Un quart des jeunes de Bourgogne-Franche-Comté vivent loin des services d’insertion sociale et professionnelle

(photo d'illustration)

En Bourgogne-Franche-Comté, un quart des jeunes vivent dans des territoires où ils ont globalement des difficultés d’accès aux services contribuant à leurs besoins en santé, formation, emploi-insertion, sport, culture ou information. Celles-ci sont d’autant plus prégnantes qu’ils habitent dans des territoires peu peuplés ou enclavés. Le nombre limité de services dans des petits pôles d’activités, un réseau routier restreint et une couverture numérique très haut débit incomplète sont autant de facteurs qui renforcent les inégalités territoriales entre jeunes citoyens.
Dans les espaces les plus isolés, les jeunes ont plus souvent un emploi. Ceux résidant près de la frontière suisse bénéficient de revenus meilleurs. Dans le Châtillonnais, le Morvan ou au nord-ouest de la Haute-Saône, ils sont davantage confrontés à des difficultés sociales.

Rencontrer un professionnel de santé, se former ou s’informer, rechercher un emploi, rejoindre un équipement sportif ou un espace culturel sont, dans la vie quotidienne des jeunes, autant de démarches contribuant à leur insertion sociale et professionnelle. L’éloignement des structures correspondantes peut s’avérer pénalisant, et encore davantage, pour les jeunes en difficulté sociale, souvent moins mobiles. Repérer les territoires où les jeunes cumulent ces problèmes d’éloignement et des conditions sociales défavorables permet d’alimenter les réflexions sur les politiques sociales locales à mettre en œuvre pour réduire les inégalités territoriales. Parmi les 466 000 jeunes de 15 à 29 ans résidant en Bourgogne-Franche-Comté en 2014, un quart vivent dans des territoires où ils ont globalement des difficultés pour accéder rapidement à un ou plusieurs équipements répondant tout particulièrement à leurs besoins en santé, formation initiale ou continue, emploi-insertion-­engagement civique, sport, culture-loisirs ou information. L’analyse des disparités de temps d’accès conduit à identifier six profils de territoires.

8 % des jeunes ont des difficultés d’accès prononcées

Plus de 8% des jeunes de la région, soit 39 400 jeunes, habitent dans des territoires où les temps d’accès en voiture à l’ensemble des équipements sont élevés voire très élevés et largement supérieurs à la moyenne régionale. Ils vivent dans des espaces très peu denses, des zones enclavées ou montagneuses, mais aussi dans des petits pôles d’activités ou des communes qui en sont proches.

Des déplacements qui dépassent souvent la demi-heure

Dans les zones peu denses ou enclavées, les temps d’accès sont très élevés pour au moins cinq paniers d’équipements parmi les six étudiés. Globalement, ils dépassent en moyenne la demi-heure, soit trois fois plus que dans les grands pôles urbains. C’est le cas pour les jeunes habitant le Châtillonnais, le Morvan ou au nord-ouest de la Haute-Saône, en raison de l’étendue de ces territoires et d’un maillage lâche des villes les composant. Dans le Haut-Jura, autour de la station des Rousses ou dans le Pays de Maîche, les temps élevés s’expliquent par le relief montagneux. Si les déplacements sont particulièrement longs, ils sont cependant disparates selon les services. Le temps d’accès à un espace culturel (théâtre, musée, cinéma…) ou à un établissement de formation (lycée, centre d’apprentissage, enseignement supérieur…) dépasse 40 minutes en moyenne ; celui pour consulter un professionnel de santé approche les 30 minutes.
Rejoindre une agence de travail temporaire, un réseau Pôle emploi ou une mission locale demande moins de temps, ces établissements sont plutôt bien implantés localement. Les jeunes y accèdent en moyenne en 20 minutes, c’est malgré tout deux fois plus que dans les grandes agglomérations. Se déplacer pour pratiquer un sport requiert moins de temps et dans ces territoires, moins d’un quart d’heure. En effet, un grand nombre de petites communes disposent au moins d’un terrain de grands jeux offrant aux jeunes la possibilité de jouer au football ou au rugby à proximité de leur domicile. La part de licenciés sportifs est d’ailleurs relativement plus élevée : 34 % des jeunes sont licenciés sportifs contre 31% dans l’ensemble de la région.

Configuration géographique et réseau routier renforcent les difficultés

Le fort éloignement des structures contribuant à l’insertion sociale et professionnelle concerne aussi des jeunes habitant dans un territoire animé par un petit pôle d’activités ou à proximité. Leurs temps de trajet sont élevés mais moins fortement que dans les territoires enclavés. Ils tiennent en partie à la configuration géographique et au réseau routier plus ou moins nervé et étoilé autour du pôle d’activités ainsi qu’au nombre limité de services présents. Dans ces espaces, les jeunes accèdent en moyenne en 35 minutes à un établissement culturel ou de formation, en plus de 20 minutes à un professionnel de santé et 16 minutes à une structure d’aide à l’emploi et à l’insertion. Ils rejoignent un équipement sportif plus vite, en moyenne en 10 minutes. La pratique du sport en club y est développée : 36% des jeunes ont une licence sportive. Les liens sociaux entre jeunes sportifs sont ainsi plus marqués qu’en ville. Leurs difficultés d’accès sont multiples, pas systématiques mais concernent au moins trois des six paniers d’équipements. Elles touchent notamment des jeunes résidant dans les environs de Gueugnon, Chauffailles, Venarey-les-Laumes, Pierre-de-Bresse, Moirans-en-Montagne, Clairvaux-les-Lacs ou la région des lacs du Haut-Doubs. Dans le Haut Nivernais, les environs d’Arnay-le-Duc, Saint-Claude ou Champagnole, les jeunes bénéficient d’un accès plus rapide aux services d’aide à l’emploi et à l’insertion, entre 8 et 12 minutes, mais ils restent particulièrement éloignés d’autres équipements.

Des jeunes plus souvent en emploi dans les territoires très éloignés des services

Dans ces territoires fort éloignés des différents services, plus de la moitié des jeunes travaillent, c’est plus qu’en moyenne dans la région. Près d’un sur deux est ouvrier. Plus âgés, davantage indépendants, ils ne sont qu’un tiers à habiter encore chez leurs parents. Cependant, ce constat masque des disparités importantes entre les habitants de l’arc jurassien et ceux de l’ouest de la région. Bien que souvent ouvriers, les jeunes frontaliers bénéficient de revenus plus élevés que dans les autres territoires isolés et sont plus souvent en emploi. En revanche, dans les territoires éloignés de l’ouest de la région (Morvan, Châtillonnais) et au nord-ouest de la Haute-Saône, les jeunes cumulent isolement et difficultés sociales : ils sont plus touchés par le chômage et vivent dans des territoires affectés par la pauvreté monétaire. Ils perçoivent plus souvent une prestation sociale : plus de 28% des jeunes actifs contre en moyenne 17% des jeunes actifs frontaliers.

Des besoins non comblés par le numérique

Ces jeunes en partie déjà formés et en emploi, sont vraisemblablement moins gênés par l’éloignement des structures de formation, d’emploi et d’insertion. En revanche, leurs difficultés d’accès aux équipements de santé et de culture paraissent plus problématiques. Consulter rapidement un médecin constitue un enjeu fort pour les jeunes de ces territoires. La désertification médicale engendre des déplacements et frais supplémentaires, ce qui peut les amener à renoncer à recourir à un professionnel de santé. Pour la culture, là encore, la distance et les coûts sont sources de vulnérabilité. Bien que certaines communes proposent des activités culturelles, souvent moins onéreuses en milieu rural, l’éloignement reste important et le développement des services numériques ne semble pas actuellement y remédier. Encore mal déployée dans les zones peu peuplées, la couverture numérique ne permet pas ­l’accès à un internet rapide et de qualité pour tous. Grands consommateurs de sites de loisirs (musique, jeux, vidéos…) et très actifs sur les réseaux sociaux, les jeunes dans ces zones enclavées sont donc doublement pénalisés : aux difficultés d’accès physiques viennent s’ajouter des difficultés d’accès numérique renforçant leur isolement social.

17% des jeunes dans des territoires éloignés des équipements

Pour 17 % des jeunes, soit 80 900 jeunes, les temps d’accès sont plus courts que dans les territoires enclavés mais restent bien supérieurs à ceux des grandes agglomérations. La configuration géographique et un réseau routier plus développé réduisent sensiblement la durée des déplacements. Cependant, il faut encore compter 30 minutes pour rejoindre un établissement de formation ou culturel et 20 minutes pour une consultation médicale.

Des temps de trajet encore longs vers les services de l’emploi et les équipements sportifs

Plus de la moitié d’entre eux, soit 43 800 jeunes, sont pénalisés par des temps de trajet qui restent conséquents pour accéder aux services d’emploi, d’insertion et d’engagement civique et aux équipements sportifs. Ils mettent en moyenne 17 minutes pour rejoindre un service d’aide à l’emploi et 11 minutes pour accéder à une structure sportive. S’ils bénéficient parfois de la complémentarité des services implantés dans des petites villes proches de leur domicile, ils vivent dans des territoires ruraux qui n’offrent pas l’ensemble des services souhaités. C’est le cas des jeunes résidant en Puisaye, dans le Chablisien, le Tonnerrois ou encore la vallée de la Loue. Cette situation d’éloignement marqué des services de l’emploi et des activités sportives concerne également des jeunes vivant dans des communes de très petite taille, situées en deuxième couronne de grandes agglomérations dans lesquelles ils bénéficient de nombreux services. C’est le cas des jeunes des environs de Mirebeau-sur-Bèze, Messigny-et-Ventoux se déplaçant vers Dijon Métropole, de Marnay sous influence de l’agglomération bisontine ou de Port-sur-Saône aux portes de Vesoul. Mais, à l’approche de ces agglomérations, il faut également tenir compte des difficultés de circulation aux heures de pointe. Les jeunes de ces territoires sont plus souvent des adolescents vivant chez leurs parents qui s’y sont installés en raison d’un coût du foncier plus abordable et d’une qualité de vie meilleure. La majeure partie de leur emploi du temps est consacré aux études et aux trajets hebdomadaires conséquents. La pratique sportive s’en ressent, le taux de licenciés est plus faible qu’en moyenne dans la région. Les jeunes actifs quant à eux, sont en grande majorité en emploi.

Moins de pertes de temps autour des pôles moyens

Des difficultés d’accès touchent également des jeunes gens de communes gravitant autour d’un pôle d’animation locale et éloignées d’une agglomération d’importance. Ces jeunes habitent à proximité ou dans une commune d’au moins 5 000 habitants, bien dotée en équipements comme Autun, Montbard, Paray-le-Monial, Saint-Florentin, Gray ou Morteau. Ils bénéficient d’un réseau routier convergeant vers ces chefs-lieux rendant les services de l’emploi et les structures sportives rapidement accessibles, respectivement en 11 et 7 minutes. Cependant, ces villes ne disposent pas du panel complet de services d’une grande ville. Les temps d’accès aux équipements de santé sont contenus (17 minutes), mais il faut en moyenne 30 minutes, pour aller dans un établissement d’enseignement supérieur, un centre d’information ou un espace culturel. Dans ces territoires confrontés pour la plupart à des difficultés économiques, les villes concentrent des situations inégalitaires avec, dans certains quartiers, des poches de précarités. Les jeunes ayant un emploi sont moins souvent diplômés. Le chômage y est élevé et touche 22% des jeunes actifs. Trouver un emploi est délicat : les bassins d’emploi sont relativement étroits et la concurrence entre jeunes est importante. La pratique du sport y est développée : la part de licenciés sportifs est la plus forte de la région (40% des jeunes).

Des territoires périurbains mieux desservis

Dans les espaces périurbains, les jeunes profitent d’un maillage routier très développé et d’un grand choix d’équipements. Ainsi, un peu plus de 10% des jeunes de la région résident dans des territoires où ils n’ont pas de difficulté majeure pour accéder aux services favorisant leur insertion professionnelle et sociale, même si les temps d’accès restent moyens. Ils mettent moins de 23 minutes pour rejoindre un établissement de formation, notamment l’université ou les écoles d’enseignement supérieur. Proches des grandes agglomérations, il leur faut encore en moyenne 25 minutes pour accéder à un espace culturel. La part des moins de 20 ans y est particulièrement forte, 46% contre 42% en moyenne dans la région. En conséquence, ils sont plus souvent élèves ou étudiants. Ils vivent majoritairement chez leurs parents dont le niveau de vie est plutôt élevé et qui, pour beaucoup, se déplacent quotidiennement vers une grande ville pour leur travail.

Un accès rapide pour une grande majorité de jeunes

Pour 64% des jeunes de la région, les temps d’accès à l’ensemble des équipements favorisant leur insertion professionnelle et sociale sont rapides : 10 minutes ou moins pour les services de santé, de l’emploi, d’insertion et d’engagement civique et 5 minutes en moyenne pour se rendre dans une structure sportive. Rejoindre un établissement de formation ou un espace culturel prend une quinzaine de minutes. Cette large majorité de jeunes (297 200) résident dans les espaces intercommunaux abritant une grande aire urbaine ou dans des espaces interstitiels situés entre deux grandes agglomérations et bien desservis par des infrastructures routières. Les grandes villes sont caractérisées par une forte proportion d’étudiants, un taux de chômage élevé et une pauvreté plus présente. Les jeunes viennent en ville pour trouver du travail et traversent souvent des périodes de chômage avant de trouver un emploi. Les situations précaires y sont donc plus prégnantes. Absorbés par leurs études ou leur insertion professionnelle, le taux de licenciés sportifs est plus faible à partir de 20 ans. Les jeunes qui résident dans les espaces interstitiels ont des caractéristiques différentes. Ainsi, sur les axes Sens-Auxerre, Chalon-sur-Saône et Mâcon, Dijon-Beaune ou Dijon-Dole, Belfort-Vesoul, ils présentent un profil similaire aux jeunes des territoires périurbains, plutôt scolarisés et vivant chez leurs parents. Dans ces territoires, les jeunes profitent pleinement des services des grands pôles urbains proches.

L’éloignement des équipements s’accompagne d’un manque de couverture numérique

Le réseau de téléphonie très haut débit (4G) couvre inégalement la Bourgogne-Franche-Comté et ces disparités dessinent une carte de la fracture numérique. Les territoires où les jeunes ont des difficultés d’accès aux équipements favorisant leur insertion sociale et professionnelle sont aussi ceux où la couverture réseau mobile 4G est la moins développée. Souvent peu densément peuplés, ils sont rarement couverts par les antennes relais à l’exception de petites villes comme Champagnole, Château-Chinon ou Châtillon-sur-Seine, de stations touristiques telles que Les Rousses dans le Jura ou de la large bande de 50 km de part et d’autre de la ligne à grande vitesse Paris-Lyon. L’accès au numérique est un enjeu de première importance dans ces espaces du fait du développement continu des téléprocédures et des services en ligne. C’est aussi une porte d’accès privilégiée pour les jeunes à la culture, à l’information et à toute démarche contribuant à leur insertion.

(texte Insee, Pierre-Stéphane Lèbre, Régine Bordet-Gaudin)