Le 19, CRAC Montbéliard : Florentine & Alexandre Lamarche-Ovize et Marijke Vasey

Il est courant de lire que les modernes ont longtemps dévalorisé l’ornement en le considérant extrinsèque aux arts plastiques et donc superflu. Si cette affirmation pourrait être longuement nuancée, il revient surtout à l’art contemporain post-moderne de s’être émancipé de cette doxa en explorant les traditions populaires et les arts dits « mineurs » (à présent convertis par l’économie du luxe en « métiers d’art »). Dernier avatar de ce processus, la vague artisanale actuelle – ce que l’historien de l’art Thomas Golsenne nomme « la craftification de l’art » – nous renvoie à d’autres époques : l’Arts and Crafts anglais et l’art nouveau, le constructivisme russe ou le mouvement américain Pattern and Decoration des années soixante-dix. Se propageant bien au-delà de la seule scène artistique, cette tendance témoigne de l’anxiété d’une société face à une technologie toute puissante et à une technocratisation croissante auxquelles elle oppose une maîtrise de la production et de l’esthétique, ainsi que le plaisir du faire et du savoir-faire parfois collectivement partagé.

Dans les deux expositions monographiques présentées au 19 Crac, celle du duo formé par Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize et celle de la peintre Marijke Vasey, les œuvres sont contaminées et revitalisées par les arts décoratifs, par leurs techniques (céramique, tapis, papier peint et encadrement), et les motifs ornementaux qui en découlent. Les artistes en remontent le cours de l’histoire : Lamarche-Ovize creusent les liens entre artisanat et révolution sociale pendant le dernier tiers du XIXème siècle après que les arts décoratifs ont modelé une certaine idée populaire du beau ; Marijke Vasey interroge le sujet de la peinture et les limites du tableau en introduisant des motifs ornementaux issus d’objets, de cadres ou de papier à lettre du XVIIIe siècle, ainsi que de la dentelle des rideaux brise-vue populaires. La logique dépensière propre à l’ornement – ses principes de prolifération et de contamination – rend ici les oeuvres perméables à leur environnement, à une altérité : en plus de la décoration populaire, la peinture de Marijke Vasey s’imprègne du paysage bourguignon qui l’entoure depuis peu, tandis que la peinture murale réalisée au 19 Crac par Lamarche-Ovize se nourrit de l’histoire de l’impression du papier peint et du tissu dans la proche Alsace. Ces forces et formes exogènes réunissent l’art et sa « périphérie » : la vie domestique et intime, les pratiques et l’esthétique populaires, les modes de travail relégués ou alternatifs.

En refusant une classification binaire des objets et en s’écartant du dualisme moderne, en renouant avec une approche sensible et sensuelle des matériaux, les artistes relient la genèse de l’œuvre à une pensée de la main et de la pratique et non plus à la seule « chose mentale ». Le « superflu nécessaire » des puissances environnantes intensifie la présence et la relation au monde de l’objet artistique ; il l’anime pour en faire un objet vivant, un « acteur rayonnant vers l’extérieur ».

Le 19, CRAC Montbéliard : Florentine & Alexandre Lamarche-Ovize et Marijke Vasey, du samedi 12 février 2022 au dimanche 24 avril 2022, vernissage le vendredi 11 février 2022 à 18h30.

infos > 03 81 94 13 47 ou mediation@le19crac.com

(source communiqué)