Voitures brûlées à Montbéliard : M.-N. Biguinet écrit à G. Darmanin, Ministre de l’Intérieur

Marie-Noëlle Biguinet (photo Facebook Soutien Marie-Noëlle Biguinet)

Marie-Noëlle Biguinet, Maire de Montbéliard, a écrit ce mardi 28 juillet 2020, à Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur, au sujet des voitures brûlées à Montbéliard :

« (…) Depuis plusieurs mois, à Montbéliard, le quartier de la Petite-Hollande, classé Zone de Sécurité Prioritaire depuis 2012, est le lieu de nombreuses dérives en termes d’incivilités, de violences urbaines, d’affrontements avec les forces de police, d’insécurité. Dès la fin du confinement, la reprise des rodéos et autres comportements inadmissibles a émaillé le quotidien de la population du quartier, créant une réelle exaspération des habitants. Depuis, la situation ne cesse de se dégrader : suite à la destruction des principales caméras de vidéosurveillance du quartier, depuis le 13 juillet plus de 30 voitures ont été incendiées, sans compter les multiples feux ou tentatives d’incendies sur d’autres biens. Dans la nuit du 14 au 15 juillet, une bande d’environ 40 individus masqués et habillés de noir a tenté de briser les portes vitrées du collège Lou Blazer, établissement en REP+, s’opposant avec violence et détermination aux forces de police présentes. Un habitant, passé à tabac, à dû être hospitalisé au CHU de Besançon pour y subir des opérations de reconstruction faciale.

Quasiment toutes les nuits, cette bande continue à brûler des voitures, à inquiéter les habitants du quartier, à perturber leur sommeil et leur tranquillité. Dès lors, j’ai pris un arrêté de couvre-feu jusqu’au 31 juillet 2020, qui n’est pas bien respecté, la police n’intervenant plus que très peu, en raison du risque d’embuscades (risque réel, bien constaté le 13 !), mais sans doute aussi pour cause de « déséquilibre des forces » et/ou par crainte de stigmatisation/suites judiciaires. De même, les pompiers n’interviennent plus pour les voitures incendiées tant qu’il n’y a pas risque de propagation aux bâtiments avoisinants.

Quartier de rénovation urbaine – avec en particulier un pôle médical de services et centre commercial en cours de reconstruction- la Petite-Hollande accueille de nombreux équipements publics : sécurité sociale et caisse d’allocations familiales, tribunal de grande instance, université, mairie de quartier, centre communal d’action sociale, piscine couverte et bassins extérieurs d’été dans un grand parc ombragé, un collège et deux gymnases, une crèche et un centre de loisirs avec ludothèque et salle de spectacle, un parcours VITA, 2 maisons de retraite… Malgré un environnement favorable en termes d’équipements publics, avec la présence d’associations, d’une MJC, d’animateurs, de médiateurs municipaux et autres intervenants sociaux, malgré le renforcement de la vidéosurveillance, le doublement des effectifs de la police municipale et les relations constructives avec la police nationale, la situation et l’ambiance ne cessent de se dégrader.

Par ailleurs, ce quartier a la chance depuis sa création dans les années 1960, d’avoir de nombreuses copropriétés, qui ont ainsi assuré une véritable mixité sociale tant recherchée aujourd’hui. Mais nombreux sont les copropriétaires qui ne supportent plus la dégradation de leurs conditions de vie. Au vu des troubles à l’ordre public, du tapage nocturne, des rodéos, tirs de mortiers, incivilités, etc, ils aspirent à quitter définitivement le quartier de la Petite-Hollande. Ils ne le font pas (encore !) tous pour une seule raison : dans ce contexte de vie exécrable, leur bien a perdu tant de valeur qu’ils n’ont aucune chance de retrouver un logement correct, même plus petit, pour le prix auquel il vendrait leur bien. On notera que ces co-propriétaires sont des familles modestes, beaucoup d’anciens ouvriers de chez Peugeot. Pays de mono industrie qui a permis un fort développement de notre agglomération, mais malgré les efforts importants de diversification économique, qui est aujourd’hui très pénalisé par le chômage de masse (40 000 emplois à Sochaux en 1975, 8 000 aujourd’hui…).

J’ai, jusqu’à présent eu la volonté de maintenir ouverte, la piscine d’été située dans le quartier de la Petite-Hollande. Elle accueille tous les jours plusieurs centaines de personnes, essentiellement celles du quartier mais aussi de la ville et d’autres communes puisqu’elle est la dernière piscine de plein air de toute l’agglomération qui compte 140 000 habitants. Pour arriver à maintenir cette piscine ouverte, j’ai dû mener depuis 3 ans, un plan sécurité strict « zéro tolérance » avec présence de la police municipale ainsi que celle d’une entreprise privée de sécurité et avec expulsion des perturbateurs pour la saison, dès la première incartade. Nous avons enfin pu assurer de nouveau la tranquillité des lieux, permettant ainsi aux familles et à de nombreux jeunes de revenir s’y détendre et s’amuser. Politique couteuse, mais la piscine est indispensable à ce quartier populaire, où beaucoup ne partent pas en vacances. Mais, cette année, depuis plusieurs jours, la situation, là aussi, se dégrade : entrées par effraction, agressivité devant la grille d’entrée, personnel injurié, voire menacé, le climat de violence ne cesse d’augmenter. A titre d’exemple, un policier municipal de faction devant la grille a dû faire usage de sa bombe de gaz lacrymogène contre un individu agressif qui tentait de lui décrocher son arme de service !

En clair, la situation est grave et la police n’intervient qu’à minima. De ces 40 délinquants, à ma connaissance depuis 15 jours un seul a été appréhendé. Certes, rien ne prouve à ce jour, que ces individus sont liés à un trafic de drogue puisqu’ils étaient masqués et n’ont pas été appréhendés, mais leur comportement, les méthodes qu’ils utilisent laissent à penser, qu’ils sont susceptibles -si ce n’est déjà fait- de se faire embrigader par les asociaux de toutes sortes. Intérêt supplémentaire de s’y intéresser…

Concrètement, dans ce quartier, le « zéro tolérance » dont on parle beaucoup, ressemble plus, je regrette de devoir vous le dire, monsieur le Ministre, à un « zéro risque de sanction » pour les délinquants. « zéro risque de sanction » dont souffre toute la population, modeste et en majorité issue de l’immigration, qui fait constamment appel à moi (et au 17). Ces demandes d’interventions sont évidemment transmises, mais faute de moyens (ou de consignes adaptées claires), la population ne constate pas d’actions efficaces et visibles. Nous laissons là, toute une population modeste qui se sent abandonnée et le dit. notamment via une pétition rassemblant 400 personnes de ce quartier qui ont osé la signer. Vous comprendrez monsieur le Ministre, que j’en sois attristée pour les habitants et désolée, en l’état, de ne pouvoir guère leur apporter d’espoir.

J’ai entendu que vous vouliez stopper « l’ensauvagement » de certains jeunes, il s’agit exactement de cela et c’est la raison pour laquelle, en désespoir de cause, je fais appel à vous. Avant la déclaration du premier ministre et la vôtre, une information officieuse faisait état de réduction d’effectifs pour notre secteur. Ce n’est certainement pas ce qu’il faut faire ! En particulier pour que ce mois d’août qui va venir ne prolonge pas cette situation très pénible pour tous dans ce quartier difficile. Beaucoup de familles (et leurs enfants) ne vont pas partir au Maghreb cette année. Nous avons prévu des activités éducatives et sportives supplémentaires (dont le dispositif « l’école apprenante »), mais cela ne suffira pas ! Sans attendre la rentrée, nous avons besoin maintenant, d’une force de police nombreuse, visible et dissuasive (par exemple CRS stationnés sur place) pendant ce mois d’août pour contenir cette situation (…) ».

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