Médiathèque de Montbéliard : apéritif littéraire avec Jacques Moulin et Stann Duguet

La Médiathèque de Montbéliard (photo Médiathèque de Montbéliard)

La Médiathèque de Montbéliard propose « apéritif littéraire avec Jacques Moulin et Stann Duguet » samedi 16 novembre 2019 à 10h30 dans le cadre de la manifestation Animalivre. Jacques Moulin, né en Normandie des hautes falaises, vit à Besançon et anime les rencontres « Les Poètes du jeudi » à l’Université ouverte de Franche-Comté. Lisant à haute voix, avec une belle énergie et un enthousiasme non feint, ses textes mais aussi ceux des autres, gourmand des mots et des raretés du vocabulaire, Jacques Moulin est en poésie, établissant un lien fort avec la nature, les reliefs calcaires du massif du Jura comme ceux des falaises de sa Normandie natale. La densité de sa poésie est signe d’un engagement au cœur des mots et des paysages. Stann Duguet, violoncelliste professionnel, accompagnera les lectures. Affût discret, écoute silencieuse, accompagnement du guide qui connaît les pas, observation, fulgurance poétique et évocation animalière, jusqu’à fouiller la matérialité de la Nature elle-même… « Sauvagines » (Editions La Clé à molette, 2018) est un recueil de proses poétiques et animalières.

Extrait :
« Femme biche est tout un feuillage que ses doigts font bruire quand la nuit vient avec la brise des draps. Elle s’amourache aux frondaisons. Elle aime respirer l’odeur du bois de bourdaine. Elle sent l’odeur de poudre jusqu’en ses veines. Elle se délie à la souplesse d’une tige de linaigrette. Il fait grand vent et j’ai tué six loups dit-elle souvent. Des houx passent devant ses yeux. Le houx a des yeux de loup et l’échine rugueuse de qui s’écorche au vent sauvage.
Elle est biche buissonnière traceuse de combes et traqueuse de collines. Elle bruit et feule doucement dans la futaie bondit en clairière adopte la valleuse. Elle est à la fois tendre et fauve n’a jamais tué de loups. Elle aime pourtant le dire tant le rythme et l’harmonie de sa formule convient à ses sabots fendus à son regard de biche. Un trait de crayon et c’est la forêt qui s’y mire. Elle irait presque boire l’eau de mer sans s’étonner de l’allure de son pas sur le galet.
Les bûcherons aux boqueteaux avec tout leur attirail – hache serpe scie tronçonneuse et gouet – ne la troublent guère. Elle est de leur clan, Elle connaît leurs coups. Elle les compte chaque jour en forêt. Du sang bûcheronne en son corps. Le père lui aussi a sapé coupé ébranché compté marqué les arbres cadastrés. Elle aime la mélopée des scies la litanie des essences prises par la scie. L’assemblée des arbres la rassure. Les bûcherons n’auront pas tout. Ils ne le souhaitent pas d’ailleurs. Elle le sait elle a vu le père à l’oeuvre.
[…] A nous vite. Ils ont surgi entre crête et orée. Deux chamois savourent la brume en flairent l’étoffe sinuant dans les gorges. Une gambade de l’extrême comme celle de leurs sabots. Pas feutrés pour les nôtres. Les voir de plus près. Craquement de l’automne sous le pied. Chamois inquiets tournent la tête. Une inclinaison de cou qui donne écoute dense. Un détour comme un poème sans résonance perdu d’avance. Que ruminent-ils en leur tête à cornes creuses ? La question fait son chemin de pente. Eux s’y engouffrent. Le poème culbuté sans plus de mots pour tenir le vertige. Poème cabossé. Chamois debout« .

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