Martial Bourquin, Maire d’Audincourt, adresse une lettre ouverte à Christophe Dalongeville, Secrétaire départemental du syndicat Alliance Police et Maire de Dambelin :
« Je veux d’abord dire tout mon respect et ma reconnaissance pour le travail des forces de l’ordre — un travail souvent mené au péril de leur sécurité, dans des conditions difficiles. Les policiers du commissariat du Pays de Montbéliard savent pouvoir compter sur mon soutien constant. Mais ce soutien, je ne le proclame pas seulement dans les discours : je le traduis dans les faits. Je ne peux donc pas vous laisser dire que les élus locaux, et particulièrement moi-même, découvriraient aujourd’hui le fléau du narcotrafic. Depuis des années, j’alerte sur la montée de l’économie parallèle, sur la responsabilité partagée entre prévention, éducation, répression et justice.
Votre intervention est tellement décalée par rapport aux échanges que nous avons eus ce soir-là mais cela, vous ne pouvez pas le savoir : vous n’étiez pas présent, et je le regrette sincèrement. Votre voix, celle d’un représentant des personnels de police, aurait eu toute sa place dans ce débat. Mais peut-être n’est-ce pas votre objectif ?
Participaient à cette conférence le Préfet, le Procureur et le Sénateur co-auteur de la proposition de loi « Sortir la France du piège du narcotrafic » : trois institutions de l’État, trois acteurs clés de cette bataille. Ensemble, nous avons rappelé qu’aucune ville ne peut lutter seule, que la réponse doit être nationale voire internationale, coordonnée, durable, et qu’elle doit reposer autant sur la fermeté que sur la reconstruction sociale — car le trafic s’enracine toujours là où l’espoir recule.
Je comprends la lassitude, parfois la colère, de certains policiers. Mais les caricatures que vous véhiculez n’aident pas. Oui, il faut simplifier les procédures. Oui, il faut renforcer les moyens humains et techniques. C’est d’ailleurs en partie le sens du rapport Durain-Blanc, et de la loi qui en a découlé, avec des mesures fortes : la création d’un parquet anticriminalité, le gel des avoirs des financiers du narcotrafic, ou encore l’ouverture d’un établissement pénitentiaire dédié à la criminalité organisée.
En revanche, accuser les élus du Pays de Montbéliard d’avoir voulu « protéger les trafiquants » ou d’avoir « sciemment laissé prospérer les trafics dans certaines zones pour s’acheter une paix sociale » est une contre-vérité — pour ne pas dire un mensonge partisan.
Prenons un exemple concret: Audincourt. La ville se porte acquéreur de cellules commerciales ou d’appartements pour éviter l’installation d’activités suspectées de blanchiment. Toutes les DIA sont étudiées avec rigueur. Les commerces de nuit sont soumis à des horaires encadrés. Ces mesures ne datent pas d’hier : cela fait près de dix ans qu’elles sont en vigueur. Audincourt compte aujourd’hui 126 caméras pour 191 vues. Nos policiers sont armés depuis près dix ans. Le Procureur, vos responsables, mais surtout vos collègues sur le terrain, savent que le laxisme n’existe pas ici.
Oui Monsieur, je défends les libertés publiques, socle de notre démocratie. Mais je sais aussi prendre mes responsabilités lorsque ces libertés sont menacées par le terrorisme ou le narcotrafic. Quand j’étais sénateur, j’ai voté par exemple les lois d’urgence après les attentats de 2015, ainsi que la loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.
La défense des libertés publiques n’a jamais été le problème. Elle ne s’oppose pas à la lutte contre le narcotrafic. Le problème, c’est le manque de moyens et ce depuis longtemps. Je rappellerai, à votre mémoire parfois sélective, que c’est Nicolas Sarkozy qui a supprimé la police de proximité et supprimé près de 9 000 postes en cinq ans. Et cette disposition, je ne l’ai pas voté, je l’ai même dénoncée. Aujourd’hui, nous devons être unis – non pas dans la polémique, mais dans l’action.
Je continuerai à prendre mes responsabilités, avec la conviction que la République doit être présente partout : par la police, par la justice, par l’école, et par la dignité rendue à chaque quartier.
Pour conclure, permettez-moi une question : votre intervention était-elle celle du représentant syndical, ou celle de l’élu – maire de Dambelin, élu communautaire, peut-être déjà en campagne cherchant à profiter d’un contexte national et international délétère, où prospèrent les mécaniques des régimes autoritaires… pour ne pas dire plus ?« .


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