Géraldine Grangier : « Liberté d’installation des médecins, une ligne rouge à ne pas franchir »

Géraldine Grangier (photo Géraldine Grangier)

Géraldine Grangier, Députée Rassemblement National de la 4ème circonscription du Doubs, s’exprime :

« Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à examiner la proposition de loi dite « Garot », censée répondre à la problématique des déserts médicaux, je tiens à affirmer mon opposition totale à toute forme de coercition à l’installation des médecins et mon soutien sans faille à la liberté d’exercice des professionnels de santé, avec l’appui de l’ensemble du Groupe Rassemblement National.

Cette PPL – qui prévoit entre autres la suppression du secteur 2, l’obligation de gardes sans distinction de statut, la limitation du remplacement ou encore des restrictions d’installation – est massivement rejetée par la profession. Elle suscite une levée de boucliers des internes, des praticiens libéraux et hospitaliers, qui dénoncent une vision court-termiste, punitive et totalement déconnectée des réalités du terrain.

Une fausse bonne idée : l’échec de la coercition partout en Europe
Les expériences étrangères ont démontré que les mesures coercitives ne règlent rien. L’Allemagne, la Belgique ou encore le Canada, qui ont tenté d’imposer des zones d’installation, ont échoué à combler les déserts médicaux. Pire encore, ces politiques ont conduit à des effets contre-productifs : refus d’installation, fuite des praticiens vers le salariat ou l’étranger, désengagement massif de la profession.

En zone frontalière, un risque majeur : la fuite vers la Suisse
Dans un département frontalier comme le Doubs, cette proposition de loi serait une incitation directe à l’exode des médecins vers la Suisse, où ils bénéficieraient non seulement d’une plus grande liberté d’exercice, mais aussi de conditions de travail et de rémunération bien plus attractives. Qui oserait croire qu’un jeune médecin, après 10 à 15 ans d’études et de sacrifices, choisira de s’installer dans une zone imposée, sous pression administrative, alors qu’une opportunité respectueuse et valorisante l’attend à quelques kilomètres ?

Le problème n’est pas l’installation, mais l’attractivité des territoires
Les déserts médicaux sont d’abord des déserts tout court. Là où l’État ferme des écoles, des maternités, des gares, où il supprime les services publics, il serait aberrant d’imposer aux médecins libéraux de s’installer à leurs frais ! On ne peut pas régler par la contrainte ce qu’on a dégradé par abandon. Ce sont les conditions de vie, les logements, les services, l’accès au numérique, les infrastructures, et la reconnaissance professionnelle qui doivent être repensés pour rendre ces territoires de nouveau attractifs, de surcroit pour attirer de nouveaux médecins.

Une formation longue et exigeante, brisée par une loi punitive
Les témoignages issus de la profession sont édifiants. Un interne de 44 ans, ancien cadre en reconversion, rappelle le parcours du combattant qu’est la formation médicale : 10 à 12 ans d’études, deux concours ultra-sélectifs, une vie familiale différée, des semaines à 70h, des gardes de 24h, un internat parfois rémunéré moins que le SMIC horaire, et un taux de burn-out dépassant les 60%. La seule promesse qui tient face à ces sacrifices, c’est celle d’un exercice libre, choisi, humain. La proposition de loi Garot vient piétiner cette promesse.

Des effets dévastateurs : désertification, désengagement, détournement
Cette loi, si elle est adoptée, accélérera la crise du système de soins :
– Augmentation du nombre de médecins qui se déconventionnent (déjà 1 000 en France) ;
– Départs vers l’étranger (5 000 médecins français exercent déjà à l’étranger) ;
– Requalification vers des actes non remboursés (médecine esthétique, médecine du sport) ;
– Refus des actes à faible rentabilité (ex. amygdalectomie à 90€ de chiffre d’affaires) ;
– Bascule vers des centres privés ou salariés peu contrôlés (plusieurs centres récemment déconventionnés pour fraude).

Des propositions concrètes pour une réponse responsable
Le Groupe Rassemblement National, par la voix de ses députés, déposera des amendements à cette PPL pour défendre :
– Le maintien de la liberté d’installation ;
– La revalorisation des médecins libéraux, notamment dans les zones sous-dotées ;
– Le déploiement massif de maisons de santé pluridisciplinaires pilotées par les collectivités locales ;
– Le soutien à l’installation volontaire avec incitations fiscales, aides à l’immobilier, accompagnement familial ;
– La lutte contre les fermetures de services publics dans les zones fragiles.

Je le dis avec gravité : on ne soigne pas mieux avec des injonctions, on soigne mieux avec de la confiance, du respect et des moyens. Cette proposition de loi, malgré ses intentions affichées, est une attaque frontale contre les médecins de terrain, contre l’attractivité de nos territoires et contre la souveraineté de notre système de soins. Les patients, les élus locaux, les soignants, méritent mieux que cela« .