Géraldine Grangier : « Protection de l’enfance, j’interpelle le Gouvernement »

Géraldine Grangier (photo Géraldine Grangier)

Géraldine Grangier, Députée Rassemblement National de la 4ème circonscription du Doubs, a adressé une question écrite au Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes :

« Mme Géraldine Grangier alerte M. le Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes sur l’état préoccupant de la protection de l’enfance en France et plus particulièrement dans le département du Doubs, où la situation s’aggrave de manière alarmante.

La crise de la protection de l’enfance en France, déjà bien documentée ces dernières années, atteint aujourd’hui un point critique. Selon plusieurs rapports récents, le système est en surchauffe et peine à répondre aux besoins croissants d’enfants en danger. Dans le Doubs, la situation devient insoutenable pour les professionnels du secteur et les enfants qu’ils doivent protéger. Le nombre de placements d’enfants est en constante augmentation, mais les moyens humains et financiers n’ont pas suivi cette courbe, laissant de nombreux mineurs sans accompagnement adapté. Le rapport publié le 12 octobre 2024 par Cain.fr est particulièrement inquiétant : au moins 155 mineurs sont actuellement en attente d’un accompagnement dans le département du Doubs et 38 décisions de placement n’ont pas pu être exécutées. Cette situation n’est pas isolée, elle reflète un phénomène national. Les juges pour enfants se retrouvent dans l’impossibilité d’ordonner des placements faute de structures adaptées ou de travailleurs sociaux disponibles pour prendre en charge ces enfants vulnérables.

Cela contrevient aux droits fondamentaux des enfants à une protection adaptée et à un environnement sécurisé. Le personnel travaillant dans le secteur de la protection de l’enfance est épuisé. Le 12 octobre 2024, près d’une centaine de travailleurs sociaux et d’éducateurs spécialisés ont manifesté devant le conseil départemental du Doubs pour dénoncer leurs conditions de travail ASH. Ces professionnels, qui sont en première ligne pour protéger les enfants placés, dénoncent un manque chronique de moyens et une surcharge de travail qui les empêche d’assurer une prise en charge digne et adaptée. Selon ces professionnels de l’enfance en danger, la situation actuelle conduit à des erreurs graves : des enfants en danger restent parfois dans des environnements familiaux néfastes, faute de place dans des structures d’accueil ou faute de personnel pour les encadrer.

Par ailleurs, les familles d’accueil, déjà peu nombreuses, se retrouvent souvent en surcharge, ne pouvant plus offrir le cadre sécurisant et stable nécessaire au développement des enfants placés. Cette situation crée un cercle vicieux dans lequel les enfants placés sont déplacés de manière répétée, aggravant leur instabilité et leur souffrance psychologique. Le Doubs n’est pas le seul département touché, mais il est emblématique de la crise qui frappe toute la France. L’exemple des 155 mineurs en attente d’un accompagnement dans ce département montre bien l’ampleur du problème. Les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) peinent à répondre à la demande croissante de prise en charge, notamment en raison du manque de places disponibles dans les établissements spécialisés et de la pénurie de travailleurs sociaux ASH. Cela conduit à des situations d’urgence où des enfants sont parfois placés temporairement dans des hôtels ou laissés sans suivi éducatif ou psychologique adéquat.

Un autre exemple frappant vient des décisions de justice non exécutées. Selon les données récentes, au moins 38 décisions de placement d’enfants n’ont pas pu être mises en œuvre, faute de moyens. Ces enfants, pourtant jugés en danger par les autorités compétentes, continuent de vivre dans des environnements où ils risquent d’être exposés à des violences physiques, psychologiques ou à la négligence. Cela pose un grave problème d’inefficacité de notre système judiciaire et social et met en lumière une crise de confiance croissante entre les citoyens et les institutions responsables de la protection des plus vulnérables. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans son rapport d’octobre 2024, a fait plusieurs recommandations pour remédier à cette situation de crise. Parmi celles-ci, il appelle à une meilleure coordination entre les différents acteurs de la protection de l’enfance, en particulier entre les départements, les services judiciaires et les associations spécialisées ASH. Il est essentiel que cette coordination se fasse à l’échelle nationale, avec un pilotage centralisé des politiques de protection de l’enfance, afin de garantir que les ressources soient mieux distribuées et que les enfants puissent être pris en charge de manière homogène sur tout le territoire.

Le CESE recommande également une augmentation des moyens alloués à la formation des travailleurs sociaux et à la création de nouvelles structures d’accueil. En effet, le manque de personnel qualifié est l’un des problèmes majeurs du secteur. De nombreux établissements de protection de l’enfance peinent à recruter des éducateurs spécialisés, des psychologues et des pédopsychiatres, ce qui réduit considérablement leur capacité à accueillir et à accompagner les enfants placés. Le département du Doubs, bien qu’il ne soit pas le plus peuplé de France, est particulièrement touché par cette crise.

Plusieurs raisons expliquent cette situation. D’abord, la région fait face à une augmentation significative de la précarité, ce qui se traduit par une hausse du nombre de familles en difficulté et donc par une hausse du nombre d’enfants nécessitant une prise en charge. De plus, le manque de structures adaptées dans le département oblige souvent les autorités locales à chercher des solutions d’urgence, telles que l’hébergement temporaire dans des hôtels, qui ne sont ni adaptés ni sécurisants pour les enfants placés. Les associations locales, qui jouent un rôle crucial dans l’accompagnement des enfants en danger, tirent également la sonnette d’alarme. Elles sont elles-mêmes confrontées à des problèmes de financement et peinent à recruter du personnel qualifié. Ces difficultés sont exacerbées par la complexité administrative et la gestion décentralisée du système de protection de l’enfance, qui empêche une réponse rapide et adaptée aux urgences.

Quelles mesures immédiates et concrètes le Gouvernement entend-il prendre pour répondre à cette crise de la protection de l’enfance et plus particulièrement dans des départements comme le Doubs ? Le Gouvernement prévoit-il de débloquer des fonds supplémentaires pour les départements, notamment pour la création de nouvelles places dans des structures adaptées, telles que des petites unités de vie ? Si oui, dans quels délais ? Quelles mesures concrètes seront mises en œuvre pour améliorer les conditions de travail des travailleurs sociaux et faciliter le recrutement dans un secteur où la pénurie de personnel est devenue critique ? Le Gouvernement a-t-il l’intention de renforcer la coordination entre les différents services impliqués dans la protection de l’enfance (État, départements, associations, services judiciaires) afin de garantir une meilleure prise en charge des enfants en danger ? Si oui, quelles actions précises seront prises pour atteindre cet objectif ? Le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place des dispositifs spécifiques pour améliorer le suivi psychologique et éducatif des enfants pris en charge par l’ASE, en particulier par le biais du renforcement des services de pédopsychiatrie et de l’augmentation du nombre de psychologues et d’éducateurs spécialisés ? Elle lui demande son avis à ce sujet« .