Hervée de Lafond : suite cérémonie Capitale française de la Culture, « Il n’y a jamais eu tromperie sur la marchandise »

Hervée de Lafond (photo PMA)

Hervée de Lafond, co-commissaire artistique de Capitale française de la Culture et animatrice de la soirée « Joyeux bazar », s’exprime par l’intermédiaire de Jacques Livchine :

« Il n’y a jamais eu tromperie sur la marchandise. Dès notre nomination à Montbéliard en 1991, le Maire Louis Souvet savait quoi s’en tenir. La gauche nous accusait de nous mettre au service d’un maire RPR.

Lors de la cérémonie d’ouverture du centre d’Art et de Plaisanterie en septembre 1991 nous avons voulu démontrer notre totale indépendance politique. C’est là que nous avons envoyé en l’air Louis Souvet qui avait déjà 70 ans au bout d’un élastique. Pour nous c’était clair : ça passait ou ça cassait. Le lendemain Louis Souvet nous racontait qu’une riveraine de la rue Clémenceau qui fermait ses volets avait vu passer le Maire comme un ange sous ses fenêtres. Nous avions passé un accord secret avec lui, chaque année nous lui porterions notre démission, chaque année il l’a refusé. Louis Souvet a vite compris que notre présence allait être un plus pour son règne. Il disait : je suis l’ordre, ils sont le désordre.

Pourquoi juste avant sa mort il a demandé à ses fils qu’une des seules oraisons funèbres qu’il souhaitait c’était celle d’Hervée de Lafond ? Et voici ce qu’Hervée lui avait écrit que j’ai lu à son enterrement : « Je suis en Ariège, je ne pourrai donc pas accompagner ce grand monsieur pour son dernier voyage ce qui me fait honte car, lui, ne nous a jamais fait faux bond. Ce qui est remarquable dans ce parcours de 9 ans que nous avons fait ensemble c’est que malgré la distance gigantesque qui nous séparait entre autres sur le plan politique, nous avons vécu une aventure hors-normes sans anicroches notables. Sous des dehors bourrus, c’était un fin renard et ce renard a vite compris que nous agissions dans le même sens que lui: faire de Montbéliard une ville surprenante, vivante, innovante et même décoiffante. Il était loin d’apprécier tout ce que l’on faisait, souvent il m’appelait à 7h00 du matin (pour lui qui venait en mairie très tôt c’était une heure correcte) et il me demandait “Madame de Lafond, qu’est-ce que vous avez encore fait ?”. J’entendais dans sa voix des reproches paternels mélangés à une certaine satisfaction d’avoir été encore surpris par ces troublions qu’il avait lui même installés dans sa ville. Mais jamais jamais, il ne nous a bloqués ni demandé de changer, il nous soutenait à fond y compris dans les moments difficiles. Et pourquoi ça fonctionnait ? Pour une raison très simple : on se respectait et on s’estimait. Nous étions à la bonne distance, ni trop près ni trop loin, tous les artistes rêvent d’avoir un maire comme celui-ci. Je salue une dernière fois ce grand monsieur : il a tout mon respect ».

Je voudrais rajouter pour nos grincheux de service, que nos cinquante ans de métier nous ont appris avec qui on pouvait plaisanter ou non. Quelques minutes avant de rentrer en scène, Hervée n’était pas sûr de le tutoyer mais elle a très vite senti que le Premier Ministre était prêt à jouer le jeu. Il y avait entre eux une belle complicité, il a fait dix ans de théâtre. Il a de l’humour et c’était pour lui l’occasion de montrer sa solidité, il n’a jamais été déstabilisé. Il a remercié Hervée à la fin et moi-même j’ai eu une petit échange avec lui car il connait mon frère qui a dit de lui : il fait partie d’une nouvelle génération d’hommes politiques, il est intègre. Je lui ai répété, cela lui a fait plaisir. Et puis tout le monde a relevé sa conclusion : « je me souviendrai longtemps de cet anniversaire ». Et je rajoute qu’il devait rester dix minutes, faire son discours et s’éclipser, il est resté jusqu’au feu d’artifice, qui était vraiment un superbe hommage au Pays de Montbéliard.

Voilà Madame Biguinet, Monsieur Gauthier, Monsieur Fried etc, nous avons joué notre rôle de fou du roi, dans notre jargon nous appelons cela : « l’agressivité amoureuse » qui passe par dessus les clivages politiques. Et puis cette agitation a des dommages collatéraux positifs, tout le monde sait maintenant que Pays de Montbéliard est la capitale culturelle de la France 2024« .