En mars et avril 2020, épisode de forte hausse des décès en Bourgogne-Franche-Comté

(photo d'illustration)

Après la crise sanitaire majeure du printemps 2020, l’heure des premiers bilans est venue et notamment le bilan démographique. Le nombre de décès, tel qu’étudié ici, rassemble la totalité des décès, quels que soient le lieu et la cause y compris la Covid-19. En le comparant avec le niveau moyen de décès des cinq dernières années, on peut avoir une première évaluation de l’impact de cette crise sur la mortalité (source et méthode).

Un pic de décès le 6 avril 2020

En Bourgogne-Franche-Comté, le nombre de décès commence à augmenter à partir de mi-mars 2020 avec 740 décès pendant la semaine du 16 au 22 mars 2020, contre 600 à 650 les deux semaines précédentes. La progression du nombre de décès se poursuit et atteint un maximum de 940 décès hebdomadaires entre le 30 mars et le 5 avril 2020, trois semaines après le début du confinement, suivi d’un pic de 155 décès pour la seule journée du 6 avril 2020. Le repli s’amorce ensuite et on compte moins de 600 décès hebdomadaires à partir du 27 avril 2020, deux semaines avant le début du déconfinement. Au total, entre le 11 mars et le 26 avril 2020, 5 350 décès se sont produits dans la région, 36 % de plus qu’en moyenne ces cinq dernières années sur la même période. Cela représente un excédent de 1 400 décès, lié en partie à la pandémie de Covid-19. Ce n’est cependant pas un cas unique dans l’histoire de la mortalité.

D’autres épisodes d’excédent de mortalité depuis 1968

Au cours des cinquante dernières années, la France a traversé plusieurs crises sanitaires qui ont parfois davantage marqué la mortalité que celle de 2020. La plus ancienne est liée à la « grippe de Hong-Kong », une épidémie qui démarre en Asie en 1968. La France comme la région Bourgogne-Franche-Comté sont concernées au cours de l’hiver 1969-1970 par la seconde vague de cette épidémie. Entre le 3 décembre 1969 et le 14 janvier 1970, la région enregistre un excédent de 1 600 décès, soit 41% de plus que la moyenne des cinq années environnantes. Cette grippe très sévère a perturbé les transports, notamment la SNCF où se multiplient les arrêts de travail. Des écoles et des commerces sont fermés mais aucune mesure de confinement n’est mise en place. Plus proche dans le temps, la canicule de l’été 2003 se classe aussi parmi les épisodes les plus meurtriers de ces cinquante dernières années. C’est aussi un des plus courts, un mois, du 31 juillet au 29 août 2003, pendant lequel on dénombre 900 décès supplémentaires dans la région, 43% de plus que la moyenne des cinq années précédentes sur la même période. Les grippes saisonnières provoquent aussi une hausse de la mortalité. Ainsi, au cours de l’hiver 2016-2017, une grippe sévit pendant plus de deux mois, du 3 décembre 2016 au 9 février 2017. Durant cette période, 1 500 décès supplémentaires sont enregistrés, soit 25% de plus que la moyenne des cinq années précédentes sur la même période. Et en 2018, une grippe tardive est à l’origine d’un excès de 13% des décès entre le 15 février et le 23 avril.

Excédent de décès parmi les personnes âgées

Les personnes âgées sont souvent les plus exposées à l’excédent de mortalité qui accompagne ces crises sanitaires. En 2020, entre le 11 mars et le 26 avril, le nombre de décès de personnes âgées de 85 ans et plus augmente de 48% par rapport à la moyenne des cinq dernières années sur la même période. Sur cette période, plus de la moitié des décès concerne une personne de cette classe d’âge. Les hommes très âgés sont particulièrement touchés : on dénombre 56% de décès supplémentaires chez les hommes d’au moins 85 ans, contre 44% chez les femmes de cette tranche d’âge. Les 65-74 ans et les 75-84 ans ne sont cependant pas épargnées avec des surmortalités respectives de 40% et de 35%. À l’inverse, les autres personnes sont très peu concernées, voire pas du tout, par l’excédent de mortalité du printemps 2020. Un léger déficit de mortalité est même constaté pour les plus jeunes. La mise en place du confinement a en effet pu faire évoluer le nombre de décès, réduisant par exemple le nombre d’accidents de la route. Pendant les grippes saisonnières récentes, l’excès de décès se concentre aussi chez les plus âgés. Au cours de la grippe de 2016-2017, les personnes de 85 ans et plus ont été de loin les plus affectées par la surmortalité générée par l’épidémie : le nombre de décès a augmenté de 44% par rapport à la moyenne des cinq années précédentes sur la même période. En 2003, les effets de la canicule se manifestent à partir de 75 ans. Le nombre de décès à partir de cet âge augmente de 60% par rapport à la normale. Une faible surmortalité s’observe aussi chez les plus jeunes. Le seuil de vulnérabilité à la crise sanitaire est encore plus bas lors de la grippe de Hong-Kong qui touche surtout les 55-64 ans dont les décès augmentent de 70 % par rapport à la moyenne des cinq années environnantes sur la même période. Viennent ensuite les 65-74 ans (+64%). Chez les 85 ans et plus, les décès augmentent plus faiblement : +20%. À cette époque, l’espérance de vie n’est que de 71,5 ans et c’est entre 75 et 84 ans que les décès sont les plus fréquents. La grippe perturbe cette répartition des décès par âge : entre le 3 décembre 1968 et le 14 janvier 1969, les décès de personnes âgées de 65-74 ans deviennent presque aussi nombreux que les décès des 75-84 ans.

Fort excédent de décès dans quatre départements

Tous les territoires de la région n’ont pas été affectés de la même façon par la pandémie de Covid-19 et donc par la surmortalité qui l’a accompagnée. L’épidémie s’est en effet propagée à partir de foyers locaux, aidée en cela par les déplacements des personnes. Le foyer de Mulhouse dans le département du Haut-Rhin a ainsi essaimé dans les départements proches comme ceux du Territoire de Belfort, du Doubs ou de la Haute-Saône. Outre les flux de personnes, la propagation du virus en Côte-d’Or est également liée à l’arrivée de personnes en provenance de l’Oise parmi les premiers cas d’infection. Dans ces quatre départements, le nombre de décès augmente fortement entre début mars 2020 et le 6 avril 2020 puis se replie lentement jusqu’au 26 avril 2020 et ensuite très nettement. Ils retrouvent début mai des niveaux de décès comparables à ceux des années précédentes. Au total, entre le 11 mars et le 26 avril 2020, le nombre de décès dépasse nettement le niveau moyen de ces dernières années. Le Territoire de Belfort enregistre alors un surcroît de mortalité de 85%. Cet excédent est de 67% dans le Doubs et dépasse 45% en Côte-d’Or et en Haute-Saône.

100 à 150 décès supplémentaires dans quelques intercommunalités

Au sein de ces départements, les intercommunalités les plus touchées se situent le long des voies de communication selon un axe Belfort-Dijon. La densité de population intervient aussi dans la propagation du virus, le risque de contact étant plus grand dans les zones les plus peuplées. Dans le Grand Belfort, le nombre de décès double par rapport au niveau moyen de ces dernières années, ce qui représente une centaine de décès supplémentaires. Dans les autres grandes agglomérations, Dijon, Besançon ou Montbéliard, la surmortalité est moindre, elle dépasse cependant les 50%, ce qui se traduit là aussi par 100 à 150 décès supplémentaires. D’autres intercommunalités, plus petites, connaissent aussi une forte hausse de leurs décès par rapport au niveau moyen. C’est par exemple le cas de zones proches de la frontière suisse, probablement en lien avec des déplacements de population venant de Mulhouse. Ainsi, trois fois plus de personnes décèdent dans le Val de Morteau qu’en moyenne sur cette période, et le Grand Pontarlier affiche un excédent de décès de près de 80%.

Des départements à l’écart de l’épidémie

À l’opposé, d’autres départements de la région ont été moins concernés par l’épidémie de Covid-19 et donc par une hausse des décès. C’est le cas de la Nièvre, un département où la population est pourtant âgée et donc potentiellement vulnérable. Ici le nombre de décès a peu augmenté sur la période. De même, le Jura et l’Yonne ont été relativement épargnés, à l’exception de quelques intercommunalités comme le Grand Dole dans le Jura ou l’intercommunalité de Serein et Armance dans l’Yonne. En Saône-et-Loire, un pic de décès a été enregistré après le 6 avril 2020, mais dans l’ensemble le département a été moins concerné par la surmortalité de mars-avril 2020, sauf l’agglomération de Mâcon où le nombre de décès augmente de 70% par rapport à la moyenne.

(texte Insee, David Brion, Christine Charton, Philippe Rossignol, Amandine Ulrich)