Une famille sur cinq ne compte qu’un seul parent en Bourgogne-Franche-Comté, une part qui a doublé en 25 ans

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(photo d'illustration)

La monoparentalité peut avoir de multiples origines : séparation, veuvage, parent non déclaré en couple, arrivée de l’enfant sans avoir vécu en couple auparavant. Depuis la fin des années 60, le nombre de familles avec enfant mineur est resté stable en Bourgogne-Franche-Comté et n’a progressé que très légèrement en France métropolitaine. Dans le même temps, le nombre de familles monoparentales a triplé dans les deux territoires. Dans la région, elles représentaient 7% des familles avec enfant mineur en 1968, 11 % en 1990 et 21 % en 2015. Ainsi, sur les 333 700 familles avec au moins un enfant mineur vivant dans la région, 71 300 ne comptent qu’un seul parent. Celles-ci comptent au total 121 100 enfants, dont 13 100 en bas âge c’est-à-dire de moins de 4 ans, et 8 000 enfants majeurs. Les femmes continuent de représenter la très grande majorité des parents seuls de ces familles : 80% en 2015, comme en 1968. Cette proportion atteint 90% pour les familles monoparentales avec un enfant en bas âge.

La monoparentalité, un phénomène particulièrement urbain

Un tiers seulement des familles avec enfant mineur vivent dans un pôle urbain d’au moins 10 000 emplois, quand c’est le cas d’une famille monoparentale sur deux. Certaines y habitaient déjà mais d’autres ont pu s’y installer, après une séparation par exemple. Les villes offrent davantage d’opportunités professionnelles et la perspective d’un revenu stable. Comme elles concentrent de nombreux services et équipements, elles permettent de concilier plus facilement vie professionnelle et obligations parentales : emmener son jeune enfant chez le pédiatre, trouver un système de garde pour le temps périscolaire ou pour ses enfants trop jeunes pour être scolarisés, permettre aux plus grands d’aller facilement au collège en prenant un bus, etc. C’est aussi dans ces villes que se trouve la majorité des logements sociaux, qui permettent de bénéficier de conditions de logement décentes à un prix modéré. Dans les principales villes de la région, les préfectures, mais aussi dans les petites villes qui animent des territoires ruraux (Châtillon-sur-Seine, Clamecy, Semur-en-Auxois, Decize, Louhans), plus du quart des familles avec enfant mineur sont monoparentales. On retrouve cette même proportion dans le Territoire de Belfort, qui est le département le plus urbanisé de la région. L’urbain n’explique pourtant pas tout : la Nièvre et l’Yonne comptent près d’un quart de familles monoparentales parmi leurs familles avec enfant mineur. Bien qu’assez peu nombreuses, elles sont proportionnellement très présentes sur l’ensemble de ces deux départements, y compris dans les zones très peu denses.

Des familles plus fréquemment en HLM et plus rarement propriétaires

Là où seulement un couple avec enfant mineur sur dix vit en HLM, une famille monoparentale sur trois habite un logement social. Cette proportion augmente même légèrement pour les familles monoparentales comptant un enfant en bas âge. Une situation là encore très liée à la ville, où les prix de l’immobilier sont plus élevés et l’offre de HLM plus développée. À l’inverse, un parent de famille monoparentale sur trois est propriétaire de son logement, contre sept couples avec enfant mineur sur dix. De même, alors que 80% des couples avec enfants vivent dans une maison, cette part est deux fois moins élevée au sein des familles monoparentales. Un niveau de vie plus faible et le fait d’habiter dans des territoires plus urbains, où les logements sont plus coûteux et les maisons plus rares, peuvent expliquer ces écarts. En Saône-et-Loire, c’est près d’une famille monoparentale sur deux qui occupe un logement social pour seulement 30% de propriétaires. En revanche, dans les intercommunalités situées au nord de Dijon, à l’est de Vesoul ou dans la moitié est de la Nièvre, plus de la moitié des parents des familles monoparentales sont propriétaires.
Femmes et hommes ne sont pas dans la même situation vis-à-vis du logement. Plus de la moitié des pères à la tête d’une famille monoparentale sont propriétaires de leur logement, contre moins de 29% des femmes vivant seules avec leurs enfants.

Les parents seuls moins diplômés, moins souvent en emploi

Les parents à la tête d’une famille monoparentale sont moins souvent diplômés du baccalauréat que le reste des parents d’enfants mineurs : 47% contre 55%. Cet écart diminue avec l’âge. Particulièrement important chez les moins de 30 ans, 30% contre 51%, il disparaît à partir de 50 ans : 40% ont le baccalauréat quel que soit le type de famille et le niveau de diplôme est globalement le même. Ce niveau de diplôme plus faible constitue un frein à l’emploi. Un quart des parents élevant seuls leurs enfants ne travaillent pas contre seulement un dixième des parents en couple. Le niveau de diplôme n’est pas le seul facteur explicatif. Il y a également une difficulté à s’occuper seul de sa famille tout en étant en emploi, et ce d’autant plus lorsqu’on a un enfant en bas âge. Ainsi, plus de la moitié des parents isolés avec un enfant de moins de 4 ans sont sans emploi.

Un niveau de vie médian inférieur de 500 € par mois et par unité de consommation

Le niveau de vie médian partage la population en deux, la première moitié ayant un niveau de vie inférieur et la seconde un niveau de vie supérieur. Au sein des familles monoparentales de Bourgogne-Franche-Comté, ce niveau de vie médian est de 14 000 € par an. C’est moins que dans les familles avec deux parents, où il atteint 19 900 €, soit 500 € de plus par mois par unité de consommation. 85% des familles monoparentales sont en-dessous du niveau de vie médian de la population régionale (20 340 € par an). Pour 38% d’entre elles, il est même inférieur à 12 340 €, soit le seuil de pauvreté en France en 2015. Pour les couples avec enfant mineur, ce taux de pauvreté n’est pour comparaison que de 14% dans la région. Le taux de pauvreté des familles monoparentales reste plus favorable en Bourgogne-Franche-Comté que dans les autres régions de province, où il atteint 42%. Le budget des familles monoparentales est ainsi très dépendant des prestations sociales (allocations familiales et logement, RSA, etc.), qui représentent 22% de leurs revenus, contre 8% pour les couples avec enfant mineur. Bien qu’elles ne disposent que d’un seul revenu, 15% des familles monoparentales ont tout de même un niveau de vie supérieur au niveau de vie médian de la région. 5% d’entre elles disposent même de plus de 28 050 € par an et par unité de consommation, soit près d’une fois et demie le revenu médian. Cela reste moins que pour les familles avec deux parents, qui sont 17% à dépasser ce seuil.

Une vulnérabilité économique, mais aussi sociale et territoriale

La vulnérabilité peut prendre trois formes : économique, sociale, territoriale (méthodologie). Une famille monoparentale peut faire face alternativement ou simultanément à chacune d’elles. Ces vulnérabilités sont bien sûr interconnectées : le réseau social par exemple influe sur les chances de trouver un emploi et, à l’inverse, exercer une activité professionnelle peut favoriser le développement du tissu social. Dans certaines intercommunalités de la région, les familles monoparentales sont en difficulté sur les trois axes. C’est le cas dans les Hauts du Val de Saône, le Pays de Sancey-Belleherbe, les Bresses Revermont et Louhannaise ainsi que le Nivernais Bourbonnais. Cela ne signifie pas que les parents seuls qui vivent dans ces cinq territoires sont les plus en difficulté sur chacun de ces axes. La vulnérabilité est certes multiple, mais elle est globalement contenue dans la Bresse Louhannaise, et au moins sur le plan social dans la Bresse Revermont. Les grandes villes où se concentrent la plupart des familles monoparentales cumulent souvent des fragilités économique et sociale, en dépit des aménagements territoriaux favorables à leur intégration. À l’inverse, certains territoires cumulent des forces sur les trois axes. C’est le cas des intercommunalités viticoles de Chablis, Gevrey, Beaune ou encore Champagnole, mais aussi d’autres moins favorisées, Alésia, Frasne, Saint-Claude ou Orgelet. Des territoires qu’on considère comme isolés offrent parfois de bonnes conditions d’intégration aux familles monoparentales, sur les plans économique et social par exemple dans plusieurs intercommunalités du Morvan.

Vulnérabilité économique plus forte à l’écart des principaux pôles d’emploi

Pour pourvoir aux besoins de sa famille, le parent a besoin de revenus qui soient stables. Le logement occupant une part importante dans le budget des familles, l’accès à la propriété ou à un logement HLM est déterminant. Dans la région, 14% des familles monoparentales sont extrêmement vulnérables sur le plan économique. Les territoires où elles sont le plus en difficulté sont ceux du nord de la Haute-Saône, avec les intercommunalités des Hauts du Val de Saône, de la Haute Comté et du Pays de Luxeuil. Leur situation est également peu favorable dans le Grand Sénonais, le Jovinien et l’agglomération Migennoise, au cœur de l’Yonne. Enfin, les familles qui vivent dans la Bresse ou dans les territoires qui jouxtent le Morvan, comme l’intercommunalité de Loire, Vignobles et Nohain19, sont souvent plus vulnérables économiquement. Malgré des coûts de logement abordables, les revenus des familles monoparentales y sont plus bas et proviennent moins des salaires. À l’inverse, 12% des familles monoparentales sont dans une situation économique favorable, notamment dans des intercommunalités plutôt périurbaines. C’est le cas autour de Dijon et Besançon, le long de la frontière suisse et au nord de Sens. Ces territoires proches des grands pôles d’emplois offrent davantage d’opportunités d’embauche et de postes à haute qualification donc mieux rémunérés. D’autre part, le coût du logement y est plus faible que dans les pôles d’emplois eux-mêmes.

Vulnérabilité sociale moindre dans les territoires peu densément peuplés

Des contraintes de temps pèsent sur les parents, compliquant leur intégration sociale. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il y a plusieurs enfants ou un enfant en bas âge. Le milieu social dans lequel le parent vit compte également : un revenu très éloigné de ceux de ses voisins peut compliquer l’intégration, tant pour les adultes que pour les enfants. Dans la région, 12% des familles monoparentales sont très vulnérables sur le plan du réseau social. C’est le cas près de la frontière suisse, dans les intercommunalités de Montbenoît, du Grand Pontarlier et de la Grandvallière en tête. Également concernés les territoires situés au nord de Dijon, avec Norge et Tille et les Vallées de la Tille et de l’Ignon, ainsi que le Grand Besançon lui-même. Enfin, les familles de la région de Nevers sont souvent plus vulnérables socialement, comme dans la communauté de communes Loire et Allier. Ce sont les inégalités de revenus qui expliquent ces situations. À l’inverse, 18% des familles monoparentales sont dans une situation sociale plutôt favorable, notamment dans des zones peu denses comme le Morvan et le Châtillonnais. Ces familles ont en moyenne moins d’enfants, qui sont moins souvent en bas âge, et même si leur niveau de vie est plus faible qu’ailleurs, il est plus proche de celui des habitants de ces territoires.

Vulnérabilité territoriale moindre dans les espaces les plus peuplés

L’offre en équipements et services peut varier fortement selon les territoires, avec des accès inégaux aux dispositifs de garde, aux professionnels de santé ou encore aux écoles. De même, les possibilités d’emploi pour le parent dépendent directement du tissu local d’entreprises, et indirectement des services et équipements qui permettent la prise en charge des enfants pendant le travail. Dans la région, 17% des familles monoparentales sont particulièrement vulnérables d’un point de vue territorial. C’est le cas notamment dans la Nièvre, à commencer par les intercommunalités de Tannay-Brinon-Corbigny et Amognes Cœur du Nivernais. L’essentiel de la partie est de la région est aussi concernée, et plus particulièrement la Bresse. Les familles du nord de l’Yonne enfin sont territorialement vulnérables. Ce sont pour la majorité des territoires ruraux. Les fragilités près de la frontière suisse s’expliquent par le déséquilibre très fort entre population active et emplois disponibles sur le territoire, puisqu’une part importante d’habitants travaillent de l’autre côté de la frontière. À l’inverse, 10% des familles monoparentales sont dans une situation territoriale plutôt favorable, notamment dans les espaces les plus peuplés de la région ou le long des grands axes de communication. En Saône-et-Loire par exemple, le bon maillage urbain offre un accès rapide aux équipements et aux services.

(texte Insee, Madeline Bertrand)