Le Nord-Franche-Comté : un territoire industriel doté d’une forte cohérence, mais de plus en plus attiré par l’extérieur

DOSSIER

(photo d'illustration)

Avec plus de 300 000 habitants sur près de 200 communes et cinq intercommunalités du Doubs, de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort, le Pôle métropolitain Nord-Franche-Comté constitue l’un des bassins les plus peuplés de Bourgogne-Franche-Comté. Pays de Montbéliard Agglomération, le Grand Belfort et, dans une moindre mesure, le Pays d’Héricourt, forment un espace de vie commun. En son cœur, les deux grands pôles d’emploi de Montbéliard et Belfort sont peu distants et facilement accessibles grâce au réseau autoroutier. Leur activité s’appuie sur de grands groupes industriels, PSA à Sochaux-Montbéliard, General Electric ou Alstom à Belfort, et la présence de nombreux prestataires, sous-traitants et équipementiers. Il en découle une forte concentration des emplois et de la population dans cette partie centrale du Pôle. Le Nord Franche-Comté comprend également des espaces moins denses et plus ruraux, comme au nord où s’étend le Parc naturel régional des Ballons des Vosges, et au sud-est, du côté de Delle.

De nombreux équipements de gamme supérieure pour sa population

Le Pôle bénéficie d’un bon niveau d’équipements, à la hauteur des plus grandes agglomérations de Bourgogne-Franche-Comté. En croissance de plus de 11% entre 2012 et 2017, le nombre d’équipements de proximité a ainsi augmenté plus vite que dans la région (9%) et témoigne de la vitalité de l’activité économique générée par la population présente. Le Pôle dispose d’équipements structurants majeurs comme la gare TGV de Meroux, l’Hôpital Nord-Franche-Comté ou encore l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard. Ces infrastructures, situées à mi-chemin entre les deux grandes aires urbaines du Pôle, seront encore plus accessibles avec le nouvel échangeur de Trévenans, en cours de construction.

La baisse de l’emploi dans l’industrie pèse sur toute l’économie

Le Pôle Nord-Franche-Comté est et reste un territoire très industriel : 24% des emplois occupés relèvent de ce secteur contre 17% en Bourgogne-Franche-Comté. Sur environ 3% de la superficie régionale, le Pôle concentre à lui seul, près de 16% de l’emploi industriel régional. Tous secteurs confondus, les dix principaux établissements employeurs sont à l’origine d’un tiers des emplois du Pôle contre 18% en moyenne régionale. Cela résulte d’une spécialisation importante, notamment autour des filières automobile, ferroviaire et de l’énergie. Secteur des plus sensibles à la concurrence internationale et aux délocalisations, comme le montrent les décisions de General Electric sur ses établissements du Territoire de Belfort, l’industrie baisse continuellement dans l’emploi salarié total du Pôle depuis le début des années 1980. De nombreux emplois tertiaires en lien avec l’industrie sont également touchés ; c’est presque tout l’emploi qui subit les aléas de la situation économique. Suite à la crise de 2008, il a ainsi reculé de 6,4% entre 2010 et 2015. Davantage tournée vers le tertiaire, l’aire urbaine de Belfort a mieux résisté que celle de Montbéliard, plus industrielle. En raison de son statut de préfecture, l’emploi public y a joué un rôle d’amortisseur plus puissant : en effet, il représente 36% de l’emploi total contre 26% seulement à Montbéliard.

Chute de la population au sud du Pôle

Le Pôle métropolitain Nord-Franche-Comté compte 306 000 habitants au 1er janvier 2017, chiffre relativement stable depuis les années 1980. La population, plus jeune qu’en Bourgogne-Franche-Comté, présente un solde naturel toujours positif (+ 5 800 habitants par an entre 2010 et 2015) qui compense presque chaque année le déficit migratoire très marqué (- 6 400 habitants par an sur la même période). L’évolution de la population est contrastée. Alors que l’aire urbaine de Belfort a constamment gagné des habitants depuis 40 ans, celle de Montbéliard en a perdu sans discontinuer. Par ailleurs, le vieillissement est un peu moins marqué dans la première que dans la seconde, avec une moindre proportion de 60 ans ou plus : 24% contre 28% en 2015. Mais c’est aussi un écart d’attractivité qui distingue les deux grandes aires urbaines. Si les deux enregistrent plus de départs que d’arrivées, ce déficit migratoire est nettement moins prononcé sur Belfort, – 0,2% de population par an entre 2010 et 2015 et environ – 0,6 % sur Montbéliard. Les pertes de population les plus élevées concernent Valentigney et Audincourt au sud de Montbéliard. Les quelques fortes hausses ont eu lieu le long de la limite avec la région Grand Est. Dans cette partie « frange » de la région, la population a augmenté de 0,8% par an en moyenne grâce à un solde migratoire nettement positif et supérieur au solde naturel. Plus de la moitié des nouveaux arrivants viennent du reste du Territoire de Belfort et 20% du Haut-Rhin. L’attractivité résidentielle est liée à la proximité de pôles d’emploi extérieurs plus dynamiques comme la Suisse ou dans une moindre mesure, Mulhouse, facilement accessibles.

Des départs liés à la périurbanisation et à l’attractivité bisontine

En 2015, 8 300 résidents sont partis du Pôle : 63% s’installent ailleurs en Bourgogne-Franche-Comté ou dans le Grand Est. Ces mobilités traduisent d’abord des effets de périurbanisation plus lointaine : un départ sur deux se fait vers les départements limitrophes, en particulier vers le Doubs et la Haute-Saône, à distance limitée du Pôle. Ils concernent plutôt des familles aux revenus modestes, attirés par des prix immobiliers plus bas. Par ailleurs, les déménagements vers le Grand Besançon, pourtant plus éloigné, sont également nombreux, plus d’un départ sur huit en 2015. Ce sont plutôt de jeunes actifs en recherche d’emploi ou des jeunes qui poursuivent leurs études. Malgré une offre de formation significative, notamment des formations techniques reliées aux industries présentes, le Pôle ne parvient pas à attirer et retenir les jeunes qui partent vers de plus grands centres universitaires, à Besançon ou, dans une moindre mesure, à Strasbourg. C’est également le cas pour les étudiants ayant suivi un cycle supérieur court (Bac+2 ou +3) et qui souhaitent obtenir un Bac+5.

Davantage de navetteurs vers la Suisse et le Haut-Rhin

Dans le Pôle, alors que la population s’est globalement maintenue, l’offre d’emplois proposée s’est considérablement réduite. En cinq ans, le nombre d’actifs qui résident et travaillent dans le Pôle a très fortement chuté : de 109 300 en 2010 à 101 300 en 2015, soit une baisse de 7%. Face à la baisse de l’emploi dans le Nord-Franche-Comté, les habitants qui ne sont pas partis se sont tournés vers d’autres bassins d’emploi, hors du Pôle, moins affectés par la crise. Ainsi, le nombre d’actifs travaillant en dehors a progressé de 15%, passant de 13 100 en 2010 à 15 000 en 2015. Plus d’un actif sur huit dépend désormais de pôles d’emploi extérieurs, en premier lieu la Suisse (5 700 actifs) et le Haut-Rhin (4 500 actifs). L’aire urbaine de Besançon, pourtant attractive du point de vue résidentiel, accueille peu de navetteurs résidant dans le Pôle, seulement 600.

Des axes de communication structurants pour les navetteurs

Phénomène auparavant surtout concentré dans le Haut-Doubs et l’est du Jura, le travail frontalier a connu un essor important dans le Pôle. La main-d’œuvre résidente, qualifiée et partageant une identité linguistique et industrielle avec l’autre côté de la frontière, s’est reportée en partie vers les bassins d’emploi suisses, notamment Boncourt, Porrentry et Délémont, territoires en plein développement économique. Les navettes sont rendues possibles par la nationale N1019 côté français et l’autoroute Transjurane (A16) côté suisse. Mise en service fin 2018, la ligne ferroviaire franco-suisse Belfort-Delle-Bienne, qui dessert la gare TGV de Meroux, doit également améliorer la mobilité frontalière, notamment vers le canton du Jura. Les travailleurs frontaliers restent concentrés au sud-est du Pôle, à proximité de la frontière suisse, et assez peu dans l’axe urbain Montbéliard-Belfort. Ils sont 2 700 à vivre dans le Pays de Montbéliard Agglomération, plus dense, et 2 200 dans le Sud Territoire, moins peuplé, soit 5% de la population active occupée pour l’un contre 23% pour l’autre.

Les navettes domicile-travail vers le Haut-Rhin s’inscrivent dans les liens historiques et étroits qui unissent le Territoire de Belfort et l’Alsace. Elles concernent surtout les actifs habitant l’est du Pôle, au plus proche de la limite régionale, dans la frange tournée vers Mulhouse. Outre sa proximité géographique, cette partie du Pôle métropolitain peut compter sur la ligne TER et l’autoroute A36, reliant Belfort à Mulhouse.

Des emplois extérieurs mieux rémunérés, des écarts de niveau de vie

La Suisse et le Haut-Rhin offrent des perspectives d’emplois à tous niveaux de qualifications pour les résidents du Nord Franche-Comté. Ceux-ci trouveront plus aisément des postes d’ouvriers de l’industrie en Suisse et des postes de cadres et de professions intermédiaires du tertiaire marchand dans l’aire urbaine de Mulhouse.

Parce que les premiers sont mieux rémunérés que dans l’Hexagone et que les seconds sont les mieux payés dans l’échelle des salaires français, le niveau de vie des ménages est globalement plus élevé dans l’est du Pôle où les navetteurs vers la Suisse et le Haut-Rhin sont proportionnellement plus nombreux. En 2015, le niveau de vie médian s’élève à plus de 23 000 € dans cette partie du Pôle tandis qu’il ne dépasse pas 21 000 € à Montbéliard et sa périphérie proche, en raison de la plus grande proportion d’ouvriers résidents.

Un recours important à l’intérim, une précarité plus marquée

La forte dépendance aux industries suisse et alsacienne, à l’activité économique internationale et aux décisions stratégiques de grands groupes industriels induit un besoin de flexibilité de la main-d’œuvre plus élevé qu’ailleurs. Dans ce contexte, le recours à l’intérim est important. Certes, il peut présenter certains avantages pour les personnes qualifiées, notamment salariaux au travers des primes de fin de contrat. Mais ces emplois de courte durée installent également les moins qualifiés dans une logique de précarité et de concurrence accrue.

La baisse globale de l’emploi dans le Pôle a provoqué une hausse d’un point du taux de chômage dans la zone d’emploi de Belfort-Montbéliard-Héricourt entre 2010 et 2015, pour atteindre 11% contre 9% au niveau régional. En baisse depuis le premier trimestre 2016, dans le Pôle comme en Bourgogne-Franche-Comté, et malgré une diminution plus marquée dans le Pôle, le taux de chômage y reste plus élevé. Cette légère amélioration de l’activité se traduit également par une reprise du recours à l’intérim et de la précarité des salariés. Dans ce cadre, le recours aux prestations sociales est particulièrement élevé : 39% des ménages en bénéficient d’au moins une contre 33% dans la région. On peut également citer la part de la population ayant droit à la Couverture maladie universelle complémentaire qui s’élève à 10% contre 7% et celle des bénéficiaires du RSA socle majoré, à 7% contre 5%.

Des qualifications recherchées

Les processus de production industriels mis en place par les grands groupes étant de plus en plus complexes, le niveau de qualification des salariés constitue un enjeu essentiel pour les entreprises. Celui des actifs résidant dans le Pôle est pourtant plus faible que dans la région alors que les besoins sont conséquents. Par exemple, le Pôle propose 110 postes de cadres pour 100 cadres résidents. En manque de main-d’œuvre qualifiée, il doit donc attirer des actifs de l’extérieur.

Ainsi, les métiers de conception-recherche, particulièrement bien implantés en Nord-Franche-Comté et en croissance, représentent 5% de l’emploi local en 2015, 2,5 fois plus que dans la région. C’est particulièrement vrai dans la filière automobile où l’innovation est en partie portée par le pôle de compétitivité « Véhicule du Futur » à Étupes qui fédère industriels, chercheurs et centres de formation autour de la thématique des véhicules et de la mobilité durable.

En cinq ans, Audincourt et Valentigney ont perdu respectivement 10% et 7% de leur population

Ces dernières années, la déprise démographique est particulièrement forte au sud de Montbéliard. C’est le cas à Audincourt et Valentigney, troisième et quatrième villes du Pôle avec respectivement 14 000 et 10 000 habitants. Entre 2011 et 2016, elles ont respectivement perdu 10% et 7% de leur population, soit 1 400 et 800 habitants en cinq ans, principalement en raison d’un solde migratoire très négatif.

Les départs sont en partie liés à la conjoncture économique plutôt défavorable et à l’externalisation définitive d’activités hors du Pôle de la part de grands groupes industriels. C’est le cas de la fabrication des amortisseurs de PSA Sochaux, désormais réalisée en Allemagne. Dans ces villes qui concentraient prestataires et sous-traitants, ce contexte a eu de lourdes conséquences notamment sur l’emploi local. Il a ainsi respectivement reculé de 2,3% et de 4,3% par an en moyenne entre 2010 et 2015, ce qui est bien plus qu’au niveau du Pôle métropolitain (-1,3%).

(texte Insee, Aline Branche-Seigeot, Charles Pilarski)