83 300 ménages supplémentaires à loger d’ici 2030 en Bourgogne-Franche-Comté

(photo d'illustration)

Région étendue, en large partie rurale et à faible dynamisme démographique, la Bourgogne-Franche-Comté est peu concernée par la crise du logement. Néanmoins, l’évolution du nombre de logements et l’adaptation de l’habitat aux besoins futurs des ménages reste un enjeu majeur pour les acteurs publics. La construction de nouveaux logements est souvent allée de pair dans les dernières décennies avec une consommation d’espace plus rapide que la croissance de la population. Dans un contexte où les pouvoirs publics ont régulièrement réaffirmé leur ambition d’un développement résidentiel plus respectueux de l’environnement, une planification réaliste des besoins en logements redevient un enjeu stratégique aux déclinaisons multiples : enrayer la consommation d’espace et l’artificialisation des sols, ou encore réduire les trajets domicile-travail et particulièrement ceux effectués en voiture. Les effets du vieillissement de la population, qui touchent tous les territoires, induisent des modifications profondes dans les besoins résidentiels liés notamment à la dépendance ou à la mobilité réduite. Alors que la Bourgogne-Franche-Comté est la région où le taux de logements vacants est le plus fort, les collectivités devront donc mobiliser au mieux le parc existant en l’adaptant à l’évolution de la composition des ménages et en améliorant l’isolation thermique des logements énergivores.

Faible croissance du nombre de ménages

En 2030, la Bourgogne-Franche-Comté abriterait entre 1 326 000 et 1 382 700 ménages. Si les tendances démographiques et d’évolution des modes de vie se poursuivaient, la région compterait à cet horizon 1 350 400 ménages, soit seulement 7% de plus qu’en 2013. Cette modeste croissance serait bien inférieure à celle attendue en France métropolitaine : 0,4% en moyenne annuelle contre 0,7%. Elle est aussi deux fois plus faible qu’entre 1990 et 2013. Alors que dans de nombreuses régions le nombre de ménages augmenterait sous l’effet conjugué de la croissance de la population et de la diminution du nombre de personnes par ménage, seul ce second facteur jouerait en Bourgogne-Franche-Comté. La taille des ménages n’a cessé de diminuer, passant en moyenne dans la région de 2,6 personnes en 1990 à 2,2 en 2013. Cette diminution de la taille des ménages, continue depuis plusieurs décennies, a quelque peu ralenti entre 2008 et 2013. Elle devrait toutefois se poursuivre dans les années à venir. D’ici 2030, les ménages pourraient être constitués d’à peine plus de deux personnes en moyenne.

Les effets du vieillissement expliquent la majeure partie de la hausse du nombre de ménages

Les effets du vieillissement expliqueraient près des trois quarts des ménages supplémentaires attendus d’ici 2030, contre seulement la moitié entre 1990 et 2013. La Bourgogne-Franche-Comté a été l’une des premières régions confrontée au vieillissement de sa population, qui est donc à un stade plus avancé que dans les autres régions métropolitaines. Avec une population régionale stable mais structurellement plus âgée, les ménages seraient plus nombreux et plus petits. En effet, passée la soixantaine, rares sont les personnes à vivre dans un ménage de plus de deux individus : les enfants ont généralement quitté le foyer familial. De plus, au-delà de 75 ans, il est même assez fréquent de vivre seul, en raison du veuvage. Avec l’allongement de l’espérance de vie, la part des foyers dont la personne de référence est âgée d’au moins 65 ans augmenterait (38% en 2030 contre 30% en 2013). Cette forte progression proviendrait pour moitié de celle des 75 ans et plus, qui représenteraient ainsi un ménage sur cinq en 2030. La moitié serait des personnes seules.

15 300 ménages supplémentaires liés aux évolutions des modes de cohabitation

La diminution de la taille des ménages est également liée à l’évolution des modes de vie : moins de familles nombreuses, mises en couple plus tardives, unions plus fragiles entraînant l’augmentation de la monoparentalité, décohabitation des générations. La hausse du niveau de vie, le développement rapide du parc de logements ainsi que le prix du foncier plus faible dans la région ont facilité ces mutations et donc favorisé la décohabitation au cours des dernières décennies. Ce phénomène devrait se poursuivre jusqu’en 2030 : à âge égal, les habitants formeraient donc des ménages plus petits qu’en 2013. Cela expliquerait 18% des ménages supplémentaires que pourrait compter la région. Reflet de ces évolutions, les couples, avec ou sans enfant, représenteraient moins de la moitié des ménages en 2030, contre près des deux tiers en 1990. À l’inverse, plus de 538 000 personnes vivraient seules dans la région, représentant quatre ménages sur dix en 2030, contre un sur quatre en 1990.

Une croissance démographique atone

Seuls 6% des ménages supplémentaires que compterait la Bourgogne-Franche-Comté en 2030 seraient liés à l’augmentation de la population. En effet, le nombre d’habitants de la région devrait stagner jusqu’en 2030, avec seulement 11 400 personnes de plus qu’en 2013, contre une hausse de 0,4% par an en France métropolitaine. Ce ralentissement de la croissance de la population s’observe déjà dans la région depuis quelques années. De 0,3% par an entre 1990 et 2008, elle n’était déjà plus que de 0,1% de 2008 à 2013. Sur ces deux périodes cumulées, la population régionale a progressé trois fois moins vite que celle de France métropolitaine.

Croissance des ménages dans tous les départements hormis la Nièvre

En Côte-d’Or, dans le Doubs et le Territoire de Belfort, qui concentrent les principaux pôles urbains de la région, le nombre de ménages augmenterait de 0,5% à 0,6% par an. Comme de 1990 à 2013, ces trois départements seraient les plus dynamiques de la région. En Côte-d’Or et dans le Doubs, la croissance démographique jouerait un rôle aussi important que l’évolution de la structure de la population. Dans le Territoire de Belfort, moins attractif que les deux autres et plus touché par la crise, le vieillissement pèserait davantage. Dans l’Yonne, en Saône-et-Loire et dans le Jura, le nombre de ménages progresserait de 0,3% par an. Cette évolution s’explique essentiellement par le vieillissement de la population, bien engagé dans ces départements plus âgés qu’en moyenne dans la région. Les deux premiers devraient continuer de bénéficier du rayonnement des aires urbaines de Paris et de Lyon. Le déficit naturel serait ainsi compensé dans l’Yonne, limité en Saône-et-Loire. Le Jura, qui bénéficie moins de la proximité de grands pôles et dont la zone dynamique à la frontière suisse reste difficile d’accès en raison du relief, devrait en revanche perdre des habitants. En Haute-Saône, où le processus de vieillissement est encore plus avancé et l’évolution démographique à son point de retournement, le nombre de ménages n’augmenterait que de 0,2% par an. La faible attractivité ne compenserait pas le déficit naturel apparu au début des années 2010. Les jeunes qui partent pour leurs études ne reviennent que rarement s’installer à l’heure d’entrer dans la vie active. C’est aussi le département où la part de ménages avec un référent de 65 ans ou plus augmenterait le plus, devant la Nièvre. Les effets du vieillissement sur l’évolution du nombre de ménages seraient ainsi presque deux fois plus forts en Haute-Saône que sur l’ensemble de la région. Toutefois, la perte possible de 13 500 habitants d’ici 2030 limiterait la progression du nombre de ménages. Enfin, la Nièvre, où le vieillissement de la population est engagé depuis plus de trente ans, pourrait perdre 0,2% de ses ménages en moyenne annuelle, soit 3 000 au total d’ici 2030. Les effets du vieillissement de la population nivernaise sur l’évolution des ménages seraient paradoxalement moins forts que dans le reste de la région, cette transformation ayant commencé depuis plus longtemps qu’ailleurs et étant en passe de se terminer. Toutefois, le département resterait de loin le plus âgé de la région, devant ainsi faire face à un très fort déficit naturel. Avec potentiellement 18 800 habitants de moins d’ici 2030, la diminution de la population resterait, et de loin, le principal facteur de la baisse du nombre de ménages.

7 500 logements supplémentaires par an sur la période 2020-2026

Suite aux modifications de leurs périmètres au 1er janvier 2017, de nombreux EPCI doivent réactualiser leurs documents de planification concernant l’habitat avec une mise en œuvre à partir de 2020. L’objet de cette étude sur les projections de ménages et besoins en logements est donc d’outiller les collectivités territoriales à partir d’une méthode homogène déployée sur l’ensemble du territoire national par période de six ans (2020-2026), ce qui correspond à la durée d’un Programme local de l’habitat (PLH). Alors que depuis 1990, le parc s’est accru de 0,9% par an en moyenne, les besoins en logements neufs ou réhabilités avoisineraient 45 000 en Bourgogne-Franche-Comté, entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2026, soit moins de 0,5% par an en moyenne. Parmi ces besoins, six logements sur dix seraient liés à l’augmentation du nombre de ménages. Par ailleurs, des ménages déjà présents sur le territoire ne disposent pas de leur propre logement (sans-abris, ménages en hébergement social ou logés chez un tiers) ou souffrent de mal logement (logements insalubres, voire indignes, ou simplement inadaptés car trop petits ou trop chers). Ces ménages à ressources modestes ont besoin de logements à coût abordable dans un contexte où le prix du logement neuf est généralement élevé. Environ 8 000 logements seraient nécessaires pour réduire progressivement ces difficultés. Entre 2020 et 2026, la hausse du nombre de logements vacants et de résidences secondaires ralentirait (avec respectivement 2 200 et 500 logements supplémentaires), sous l’effet d’une meilleure prise en compte par les collectivités du parc existant et d’une réduction du rythme d’artificialisation des sols. La vacance continuerait néanmoins de progresser dans les territoires en forte déprise démographique, tandis que ceux où la demande resterait plus dynamique pourraient commencer à mieux mobiliser le parc existant. Enfin, 8 200 logements répondraient à des objectifs de renouvellement du parc de logements. C’est en Côte-d’Or et dans le Doubs que les besoins en logements seraient les plus élevés, avec respectivement 12 300 et 10 300 logements. La Saône-et-Loire (6 700), l’Yonne (5 000) et le Jura (4 300) concentreraient tout de même 36% des besoins régionaux. Les besoins en Haute-Saône (près de 3 000) et dans le Territoire de Belfort (2 000) seraient plus modestes. Malgré la forte baisse du nombre de ménages attendue dans la Nièvre, près de 1 500 logements seraient nécessaires sous l’effet de l’accroissement de la vacance et pour répondre aux projets de démolition.

Logements vacants : une réserve à mobiliser

Pour répondre à ces nouveaux besoins, une partie du parc, qui compte 1,5 million de logements, pourrait être mobilisée. En effet, aujourd’hui sur 100 logements, 83 sont des résidences principales, 8 des résidences secondaires ou des logements occasionnels et 9 des logements vacants. Le nombre de logements vacants s’est accru en moyenne de 4,4% par an entre 2008 et 2013, et ce alors même que des opérations de rénovation urbaine étaient engagées sous l’égide de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), favorisant la démolition de logements vétustes. Tous les départements sont concernés par la hausse de la vacance. Cette forte augmentation s’explique en partie par le fait que les nouveaux logements construits, outre les logements des nouveaux ménages arrivant sur le territoire, permettent aussi aux ménages présents sur place de trouver des logements plus adaptés à leurs désirs et en meilleur état. Elle est aussi probablement due à des anticipations parfois optimistes sur l’évolution du nombre de ménages dans la région.

(texte Madeline Bertrand, Aline Branche-Seigeot, Philippe Rossignol, Insee, Patrice Perron, Gilles Zemis, Dreal)