En Bourgogne-Franche-Comté, 60 000 habitants travaillent en dehors de la région

(photo d'illustration)

Aux franges de la Bourgogne-Franche-Comté, 78 000 actifs franchissent les limites régionales pour se rendre sur leur lieu de travail : 60 000 sortent de la région quand 18 000 s’y rendent. La plupart sont attirés par les opportunités d’emploi fournies par les grandes aires urbaines, Paris et Lyon notamment. Une part importante des navetteurs qui travaillent dans ces deux métropoles ont recours aux transports en commun. Dans les franges plus rurales, c’est la proximité de petits pôles d’emploi, d’entreprises de grande taille ou la présence de certains secteurs d’activité particulièrement développés qui expliquent les flux transrégionaux. Enfin, la frange suisse fait figure d’exception : dans un environnement moins dense, de très nombreux salariés travaillent de l’autre côté de la frontière, attirés par des salaires plus élevés et un marché du travail plus dynamique.

Avec la périurbanisation et l’intensification de la mobilité géographique des actifs, l’influence des plus grands pôles d’emploi s’étend de plus en plus loin, et fréquemment jusqu’à des territoires qui n’appartiennent pas à la même région administrative. Ces territoires dits de frange sont bien souvent dans une situation paradoxale : leur développement est étroitement lié à celui du pôle d’attraction, mais ils bénéficient rarement des politiques publiques locales qui y sont mises en place car leur mise en œuvre s’arrête souvent aux limites administratives. C’est le cas par exemple pour la gestion du réseau de transports en commun (compétence des régions), ou bien encore des politiques liées à la petite-enfance (compétence des départements). La Bourgogne-Franche-Comté est particulièrement concernée par ces problématiques de frange, puisque près de 8% des actifs y habitant travaillent hors de la région. C’est deux fois plus qu’en moyenne dans les autres régions de France métropolitaine, la situation géographique de la région, au carrefour de trois pôles d’emploi majeurs, contribuant largement à ce phénomène. Sur près de 60 000 personnes qui résident en Bourgogne-Franche-Comté mais travaillent ailleurs, près des trois quarts se rendent dans les grands pôles d’emploi qui bordent la région, situés dans les aires urbaines de Paris, de Lyon et en Suisse. À l’inverse, certains territoires de Bourgogne-Franche-Comté jouent le rôle de pôle d’attraction et captent des salariés d’autres régions. Ainsi, près de 18 000 actifs résidant en France hors de Bourgogne-Franche-Comté y travaillent. Au final, ce sont dix-huit territoires aux limites administratives de la région qui sont dans une position de frange : dix sont situés à l’intérieur et huit en dehors (source et méthode). En dehors de la frange suisse, l’intensité et la distance des navettes domicile-travail sont essentiellement déterminées par la taille et la proximité d’un pôle d’emploi extérieur. Les actifs effectuent un arbitrage entre l’opportunité de trouver un travail, à des conditions salariales parfois avantageuses, et le temps nécessaire pour s’y rendre. L’existence et la qualité des axes de transports qui desservent les pôles d’emploi sont ainsi un facteur important de leur attractivité.

Huit franges sont polarisées par une seule ou deux grandes aires urbaines

Les franges urbaines de la région, c’est-à-dire celles qui sont polarisées par de grandes aires urbaines rassemblent 36 000 navetteurs transrégionaux. Près des trois quarts des navetteurs des franges parisienne, dijonnaise, neversoise, moulinoise ou mâconnaise travaillent dans une unique aire urbaine. Pour les franges lyonnaise, mulhousienne ou oyonaxienne en revanche, s’il existe un grand pôle en présence, celui-ci partage sa force d’attraction avec un second. Par exemple, près de la moitié des navetteurs de la frange oyonnaxienne travaillent dans l’aire urbaine d’Oyonnax, mais ils sont également un quart à se rendre dans l’aire urbaine de Bourg-en-Bresse. Les franges neversoise et mâconnaise sont particulières puisque les aires urbaines de Nevers et Mâcon s’étendent de part et d’autre de la frontière régionale. Ainsi, la qualification en frange de ces territoires repose pour partie sur le fonctionnement interne de l’aire urbaine. Au sein de celle de Mâcon par exemple, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes s’échangent respectivement 1 200 et 5 300 actifs résidents.

Paris et Lyon, des métropoles très influentes malgré l’éloignement

Un navetteur transrégional sur cinq de Bourgogne-Franche-Comté travaille dans les seules aires urbaines de Paris et Lyon. Dans la frange parisienne, 9 400 résidents occupent un emploi dans l’aire urbaine de Paris. Ils représentent 80% des navetteurs transrégionaux de la frange mais surtout le quart de la population active résidente et même près des deux tiers dans certaines petites communes. Les déplacements domicile-travail sont moins nombreux vers l’aire urbaine de Lyon, plus éloignée des limites régionales. Parmi les navetteurs transrégionaux de la frange lyonnaise, moins de la moitié, 2 600, travaillent dans l’aire urbaine de Lyon. Leur poids, dans la population active résidente de la frange est moindre, de l’ordre de 17% ; il dépasse toutefois le tiers dans certaines communes comme à La Chapelle-de-Guinchay. Pour ces pôles d’emploi très éloignés, les infrastructures de transports sont essentielles aux déplacements domicile-travail. 29% des navetteurs transrégionaux de la frange parisienne et 13% de ceux de la frange lyonnaise utilisent les transports en commun. Dans les autres franges urbaines, polarisées par des aires urbaines de moindre ampleur mais plus proches, cette part n’excède pas 5%.

Un rapport différent aux transports en commun dans les franges parisienne et lyonnaise

Dans certaines communes de la frange parisienne, la part de navetteurs transrégionaux utilisant les transports en commun peut atteindre 60%. Ces communes qui se situent à la limite de l’Île-de-France, sont desservies par une ligne TER à moins de 5 km. Mais surtout, le réseau francilien du Transilien reste relativement proche avec la gare de Monteraut-Fault-Yonne à moins de 15 km. Les navetteurs bénéficient alors d’un cadencement nettement supérieur pour un coût plus faible. À l’inverse, dans les communes de la frange lyonnaise enregistrant la plus forte part de navetteurs transrégionaux, seuls 5 à 8% ont recours aux transports en commun, malgré la présence de deux gares TER dans un rayon de deux kilomètres. Les habitants de ces communes privilégient la voiture car leur commune de travail se trouve proche de l’autoroute. En revanche, la moitié des habitants de la frange travaillant dans la commune de Lyon utilisent les transports en commun.

Même éloignées des grands pôles, les franges plus rurales peuvent aussi bénéficier d’externalités

Les sept franges rurales, c’est-à-dire celles qui ne sont pas polarisées par une grande aire urbaine mais qui ont une part importante de navetteurs transrégionaux, rassemblent près de 9 000 actifs navetteurs. Certaines représentent des flux très importants. C’est le cas des franges Puisaye-Sancerrois et Puisaye-Nivernais, autour desquelles Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val de Loire échangent 4 600 actifs résidents. Les navetteurs transrégionaux de la frange Puisaye-Sancerrois viennent majoritairement travailler dans de petits pôles d’emploi de Bourgogne-Franche-Comté, 41% à Cosne-Cours-sur-Loire et 17% à la Charité-sur-Loire. Ceux de la frange Puisaye-Nivernais se rendent pour partie dans la commune de Belleville-sur-Loire en région Centre-Val de Loire, où se trouve une centrale nucléaire qui emploie plus de 900 salariés. Pour la frange de Châtillon, les navetteurs transrégionaux travaillent souvent dans des communes isolées de la région Grand Est, au sein desquelles le secteur viticole est très développé. Deux franges dites mixtes rassemblent enfin 3 600 navetteurs transrégionaux. Elles sont sous influence équivalente de grands et petits pôles, voire de communes isolées. Les flux transrégionaux de la frange brionnaise par exemple sont captés pour partie par la grande aire urbaine de Roanne, mais également par de plus petites aires, comme celle de Charlieu, également située dans le département de la Loire. Dans les franges mixtes ou rurales, l’usage de la voiture est quasiment systématique, les lieux de travail étant davantage dispersés, reculés et bénéficiant par conséquent plus rarement de services de transports en commun. Le recours à un véhicule personnel s’explique aussi par une distance domicile-travail qui n’est pas forcément supérieure à la moyenne départementale ou régionale. Pour les navetteurs transrégionaux de la frange rurale Charlieu-Haut-Beaujolais par exemple, la distance médiane domicile-travail est d’à peine onze kilomètres.

Un effet frontière fort avec la Suisse

Les effets de frontière sont négligeables entre régions françaises : hormis sa distance au lieu de travail, un actif n’a pas de raison de s’installer plus d’un côté que de l’autre de la limite régionale. L’effet frontière ne vaut que pour la frange suisse, avec un foncier plus accessible côté français, et côté suisse, un marché du travail plus attractif, un taux de chômage plus faible et des salaires plus élevés. La proximité des grands pôles industriels suisses avec la frontière (La Chaux-de-Fonds, Le Locle), la qualification de la main-d’œuvre française et une communauté linguistique de part et d’autre ont également largement contribué à développer le travail frontalier. Avec 30 000 navetteurs transrégionaux, dont 28 000 vers la Suisse, la frange suisse est la plus importante de Bourgogne-Franche-Comté en nombre de navetteurs. Il s’agit d’ailleurs de celle qui a le plus augmenté en vingt-cinq ans, avec une hausse de plus de 17 000 personnes. C’est trois fois plus que pour la frange parisienne qui est la deuxième plus dynamique en nombre de navetteurs sur la même période (+ 5 000). Aujourd’hui, la part moyenne de navetteurs transrégionaux dans la frange suisse s’élève à 30 % des actifs résidents et approche les deux tiers dans certaines communes. Moins de 4% des travailleurs frontaliers de la frange utilisent les transports en commun. Le massif du Jura rend plus complexe et coûteux le développement d’un réseau ferré performant. Les lignes existantes, qui traversent des espaces très peu denses, n’ont pas été calibrées pour drainer autant de passagers et ne constituent que des axes ferroviaires secondaires du côté français, à l’exception de la ligne LGV Paris-Lausanne. À l’inverse, le réseau ferré est plus dense de l’autre côté de la frontière.

(texte Insee, Aline Branche-Seigeot, Mélanie Chassard)