Une femme en visite à la Prison de Montbéliard obligée de retirer son voile

(photo Google)

La scène, décrite dans un article de Médiapart du 21/08/2018, remonte au mardi 26 juin 2018 et s’est déroulée à la Prison de Montbéliard. Une femme, accompagnée de sa fille, vient rendre visite pour la 3ème fois à son fils incarcéré à la maison d’arrêt montbéliardaise. Lors de l’accueil, un surveillant pénitentiaire lui demande de retirer son voile pour le contrôle d’identité. La fille accompagnant la dame précise à Médiapart qu’elle a demandé au surveillant les raisons de telles mesures, qui n’étaient pas d’usage précédemment : « Ma mère s’est exécutée pour ne pas avoir de problème et afin d’éviter de quelconques représailles sur mon frère incarcéré. On a suffisamment eu de problèmes avec la justice avec mon petit frère pour ne pas en rajouter. C’est de la discrimination mais c’est presque un quotidien pour nous, musulmans. Cela reste violent, surtout lorsque c’est fait sur une personne comme ma mère, qui a son âge et qui va tout de suite obéir. C’est pour cela que je suis intervenue ». Cependant, le surveillant n’aurait apporté aucune précision sur sa demande. Le frère de la dame aurait également écrit un courrier au directeur de l’établissement, sans avoir eu de réponse selon Médiapart.

Tchador, hijab, niqab, burqa : qu’est-il interdit ?

Dans son article, Médiapart explique les consignes dans ce cas. Dans une note du 19 octobre 2011 concernant l’« accès des personnes voilées aux parloirs », voici ce que dit le texte de la Direction de l’Administration Pénitentiaire auprès des chefs d’établissement : « S’agissant des personnes qui souhaitent accéder aux parloirs, des difficultés de mise en œuvre de la loi ont été repérées plus particulièrement lorsqu’elles se présentent à l’établissement vêtues d’un voile ou d’un foulard. Source d’incompréhension et de tensions entre les visiteurs et les agents de l’administration pénitentiaire, ces difficultés doivent être levées. Le port d’un voile ou d’un foulard qui cache uniquement la chevelure et les oreilles est autorisé dans la mesure où le reste du visage n’est pas dissimulé (…). Il n’y a pas lieu d’interdire le port du tchador et du hijab. Les personnes qui en sont vêtues doivent donc pouvoir accéder à l’établissement sans se découvrir », contrairement au niqab ou à la burqa. Pour empêcher tout malentendu, le ministère accompagne ces recommandations d’un schéma rappelant les différents voiles.

« Faut-il refuser ou autoriser l’accès à une personne qui ne veut pas dévoiler l’intégralité de sa tête ? »

Cependant, il semblerait que la direction de la Maison d’Arrêt de Montbéliard ait décidé d’appliquer des règles plus strictes en se posant cette question : « Faut-il refuser ou autoriser l’accès à une personne qui ne veut pas dévoiler l’intégralité de sa tête ? ». Dans un mail du jeudi 19 juillet 2018 du Chef d’établissement de la Maison d’Arrêt de Montbéliard, que Médiapart publie dans son article du 21/08/2018, la réponse à la question est « Oui : l’accès à la maison d’arrêt implique le respect des procédures d’identification des personnes autorisées à y accéder. Toute personne accédant à la maison d’arrêt doit être clairement identifiable et identifiée ». Le mail se termine par : « La personne demandant accès au parloir doit s’identifier telle que présentée sur la photographie de la carte d’identité, passeport, permis de conduire (…). Nous sommes toujours en Plan Vigipirate, sécurité renforcée, risque attentat ».

« On doit vérifier parfois qu’il n’y ait rien de caché sous le voile, sous une casquette »

Médiapart a interrogé le premier secrétaire du Syndicat National des Directeurs Pénitentiaires qui déplore l’initiative. « Ce n’est absolument pas conforme aux directives en vigueur. Cela voudrait dire que l’on demande à chaque personne qui porte un foulard ou une casquette de l’ôter alors que le visage est identifiable. C’est arbitraire. De telles règles peuvent créer, inutilement, des tensions. On doit vérifier parfois qu’il n’y ait rien de caché sous le voile, sous une casquette, mais cela peut se faire par des palpations avec l’accord de la personne concernée. On ne demande pas à des femmes voilées dont le visage est identifiable d’enlever leur foulard. C’est outrepasser les pouvoirs qui nous sont conférés et c’est en quelque sorte illégal et source de discrimination ». Par ailleurs, le coordinateur pour l’Observatoire International des Prisons envisage de saisir le Tribunal administratif car la note, par le mail, ne serait pas légale.

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