Martial Bourquin : « l’accord sur les travailleurs détachés très médiatisé mais aussi très limité »

Martial Bourquin, Sénateur du Doubs (photo Facebook Martial Bourquin)

Martial Bourquin, Sénateur du Doubs, s’exprime concernant les travailleurs détachés en Europe :

« Lundi soir, les États membres de l’Union Européenne sont parvenus à un accord de réforme sur la directive relative aux travailleurs détachés. L’Élysée salue « une victoire pour l’Europe » et s’auto-félicite d’avoir « arraché un accord ambitieux » et le porte-parole du Gouvernement, Christophe Castaner, insiste « C’est une victoire pour protéger tous les travailleurs contre le dumping social. Un accord pour tous, pour l’Europe ».

Toutefois, l’accord obtenu est bien plus mesuré qu’il n’y laisse paraître et l’Élysée se grandirait d’être un peu plus modeste dans ses annonces, eu égard à la faiblesse des garanties obtenues. La réforme du régime applicable aux travailleurs détachés, de même que la lutte contre le dumping social en Europe, sont incontestablement nécessaires. Le fait que tous, sans distinction d’étiquette politique, le souhaitent en constitue la preuve. Il n’est pas tolérable que des règles soient contournées afin de soumettre des travailleurs, étrangers en France ou Français à l’étranger, à des conditions de travail moins contraignantes et un salaire moindre que dans leur pays d’origine. C’est l’idée même de l’Europe qui est dévoyée par ces stratégies d’optimisation sociale délétères et destructrices. Selon un rapport sénatorial de 2013, la France est le deuxième pays d’accueil des travailleurs détachés en Europe (environ 286 000, l’Allemagne en comptant plus de 300 000), le problème est donc d’ampleur, nous devons le traiter avec l’urgence et le sérieux qu’il impose.

Or, ce n’est pas ce que semblent faire le Président de la République et le Gouvernement puisque d’une part, ils se congratulent d’un accord même pas encore ratifié par le Parlement européen (et les positions feront certainement l’objet d’ajustements rendant celui-ci encore plus incertain) et, d’autre part, l’accord prévoit que la directive nouvelle n’entrerait pas en vigueur avant 2022 au plus tôt. Nos entreprises nationales auront donc le temps de souffrir et risquent d’être en grave difficulté avant la mise en place de cette politique des travailleurs détachés.

Par ailleurs, l’accord est lacunaire en ce qu’il n’aborde même pas le problème des charges sociales, pourtant principal facteur de distorsion de concurrence en Europe. Le secteur des transports est tout simplement exclu alors que les sociétés de transports françaises subissent très durement et injustement la concurrence étrangère, ce qui est inadmissible.

Ainsi, il n’y pas lieu de s’enthousiasmer vainement pour un texte qui n’est pas adopté, ne le sera pas avant plusieurs années et dont les contours sont encore fous, sujets à interprétation ou lacunaires. Cet accord constitue au mieux un compromis très limité puisque les missions des travailleurs détachés durent en moyenne 4 mois. Or, il est question ici de fixer la durée à un an. Il ne saurait donc constituer une quelconque avancée pour la France, ses entreprises ou ses travailleurs.

Au final, avec cette politique des travailleurs détachés et de dumping social, c’est l’image de l’Europe et de ses institutions qui est mise à mal, n’est-ce pas surprenant de la part d’un Président si euro-compatible ? »