Frédéric Barbier : « j’étais, je suis, et je resterai de gauche »

Frédéric Barbier, Député de la 4ème Circonscription du Doubs (photo Facebook "Frédéric Barbier")

Frédéric Barbier, Député de la 4ème circonscription du Doubs, s’exprime sur son positionnement à gauche :

« Après tous ces bouleversements politiques en 2017 qui ont transformé le paysage politique traditionnel, j’ai, durant ces trois mois, longuement réfléchi à mon positionnement de député à l’Assemblée nationale, pour construire une feuille de route et une vision à 5 ans. Je n’en dévierai pas d’un pouce. Je serai un député constructif mais très très vigilant. Ma ligne se résume ainsi : contrôler l’action du gouvernement et infléchir son action sur des choix qui ne me semblent pas judicieux.

Le constat de mon ressenti sur le terrain est que je ressens deux sentiments contradictoires. D’un côté, la population souhaite un train de réformes pour faire bouger les lignes, transformer notre pays affaibli et qui fait de la France le plus mauvais élève de l’Europe en termes de déficits publics et de chômage. Localement, le Pays de Montbéliard a également conscience de la nécessité de renforcer les moyens donnés aux entreprises pour faire tourner l’économie en engageant un plan de relance ambitieux. De l’autre côté, beaucoup d’interrogations, parfois même de colère, s’expriment, car il manque, malgré des annonces qui vont donner plus de pouvoir d’achat à une grande majorité de français, un véritable plan de relance sociale. In fine, le sentiment pour un grand nombre est qu’il y a un déséquilibre qui se crée en défaveur du monde du travail et du salariat.

Sur mon positionnement politique, j’étais, je suis, et je resterai de gauche. Je ne suis ni démissionnaire, ni exclu du PS et n’ai reçu à ce jour aucune notification de sanction de la direction nationale. N’en déplaise à ceux qui veulent m’étiqueter et me classer. Je suis de gauche, et je n’entends pas rentrer dans des polémiques infinies. Les comptes à rendre, ce sont aux électeurs de la circonscription qui m’ont largement réélu, il y a trois mois. Je n’ai pas changé, ceux qui me côtoient quotidiennement le savent, et je leur assure que je continuerai à promouvoir les valeurs que j’ai défendues toute ma vie. Personne n’a le monopole du cœur, ni de la gauche. Je ne répondrai pas aux clans qui se sont autoproclamés de gauche mais je leur dis simplement : où étiez-vous pendant les 5 ans de la mandature de François Hollande ? Je ne rentrerai pas dans une quelconque forme de sectarisme, de repli sur soi qui entraîne exclusions, dénigrements et outrances. Cela s’appelle le clanisme qui engendre la pensée unique. La gauche mérite mieux que cela. J’entends participer à sa reconstruction, y compris celle du Parti Socialiste qui est devenu un petit parti. Il n’a pas su renouveler sa pensée et ses dirigeants qui porte le poids du quinquennat. Tant que l’inventaire du quinquennat ne sera pas fait, toute parole sera inaudible pour les français.

En effet, quel crédit donner à une opposition dure et systématique sur les ordonnances, quand on a soi-même pratiqué le 49.3 ? Pour nos concitoyens, ordonnances et 49.3 c’est pareil ! Donc cette opposition n’est pas crédible, et elle ne passe pas, ni ne marche, auprès des électeurs. Aussi à ce sectarisme, ce clanisme, j’oppose le rassemblement. Un rassemblement large, ouvert, pluraliste, pour le débat d’idées, pour une sociale démocratie modernisée, capable d’être force de proposition, d’agir et de gouverner demain.

Au repli sur soi, je réponds qu’il faut ouvrir en grand les portes. Je préfère être dedans pour agir, faire des propositions constructives, tout en m’opposant quand cela est nécessaire, plutôt que dehors à gesticuler sans arrêt.
C’est ainsi que je vois la recomposition politique : c’est toute la gauche réformiste dite de gouvernement qu’il faudra reconstruire totalement en la réinventant. Le Parti Socialiste y jouera peut-être un rôle, mais parce qu’il est trop affaibli et divisé, il ne sera pas à mon avis la force centrale, le parti hégémonique qui dictait sa loi à ses partenaires. Ce temps-là est révolu. Le Parti Socialiste sera au mieux une composante dans, ou à côté, d’un nouveau mouvement, d’une nouvelle ligne, de nouvelles méthodes, de nouveaux comportements, avec de nouveaux dirigeants. Je serai présent, mais sans essayer de m’imposer ou de prendre le leadership, car la période politique que l’on vit, nécessite beaucoup de modestie et d’humilité.

Comme je le disais en préambule sur ma feuille de route pour les 5 ans à venir, bien que participant à la majorité présidentielle, je ne serai ni suiviste, ni frondeur, mais je resterai un homme libre : j’entends contrôler l’action du Gouvernement, l’application des lois et des décrets, infléchir les choix et les décisions qui vont à l’encontre du monde du travail et de la qualité des services publics, en cherchant si nécessaire des alliances avec d’autres députés pour amender et faire des contre-propositions.

Alors très concrètement, sur la Loi travail, les ordonnances ont été votées et sont entrées en application lundi passé. J’entends sur mon territoire des inquiétudes, légitimes, dans les TPE-PME, où les organisations syndicales n’existent pas forcément. Aussi j’ai proposé d’être l’auteur d’un rapport d’évaluation de l’application de cette loi, conforme à mon rôle de parlementaire, qui évaluerait et contrôlerait la mise en application dans les TPE-PME de ces ordonnances, particulièrement sur le dialogue social, avec la possibilité de pouvoir modifier la loi si les points de vigilance connus actuellement devaient se confirmer. Je m’appuierai notamment sur les TPE-PME de ma circonscription. Si ma proposition n’est pas retenue, je prendrai la liberté de le faire, avec d’autres députés, sans être missionné officiellement.

Concernant la question de l’augmentation de 1,7% de la CSG à partir d’un seuil de 1 200 €, j’ai interpellé, il y a deux semaines le Premier Ministre, afin que ce seuil soit relevé. Sans quoi, je ne voterai pas cette mesure qui se révèlerait d’une injustice terrible pour nombre de retraités.

Il va sans dire que je ne voterai pas non plus la réforme de l’ISF, si elle est maintenue en l’état.

Sur les contrats aidés, il faut conserver ce dispositif pour les personnes les plus éloignées du monde de l’emploi. Et pour celles et ceux qui sortent de ce dispositif, un plan de formation ou d’apprentissage doit leur être proposé immédiatement, dans des métiers qui leur garantiront un emploi pérenne.

Au niveau des fonctionnaires, je plaide pour une revalorisation rapide des salaires, de nos forces de l’ordre, du corps enseignant et du personnel de santé, particulièrement exposés et à qui l’on demande beaucoup ; et il faut que le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés de la fonction publique soit garanti.

Quant au Pays de Montbéliard, qui connaît des signes importants de reprise et ce particulièrement dans le secteur automobile, je continuerai à me battre contre le recours abusif à un intérim intolérable, déshumanisant, indécent, pour privilégier l’embauche en CDI et la fiche de paye.

Je peux donc avoir avec le Gouvernement des désaccords et aujourd’hui comme hier ou demain, je le fais et le ferai savoir. Par contre, je suis particulièrement en phase avec notre Président de la République sur ses orientations de refondation de l’Europe, notamment sur la révision de la directive des travailleurs détachés qui représente une porte ouverte au dumping social et fiscal ainsi qu’aux fraudes en tous genres. C’est une concurrence déloyale à bas coût pour nos entreprises et l’organisation à grande échelle du moins disant social. Je partage donc cette nécessité de revoir ce statut et d’en réformer la directive.

En conclusion, certains signes sont encourageants d’autres appellent ma vigilance, voire mon opposition. En étant de gauche, je ne veux pas d’un système gagnant-perdant qui creuserait les inégalités. Par exemple on ne peut pas d’un côté augmenter la CSG et de l’autre diminuer l’Impôt de Solidarité sur la Fortune. Ce n’est pas admissible. Au bout du compte, j’attends de voir ce que collectivement à l’Assemblée nous serons capables de changer sur le projet de budget proposé par le gouvernement. Je pèserai le pour et le contre. Je souhaite qu’il soit équilibré non seulement pour une relance économique mais aussi pour une relance sociale« .